Justice pour Farhat Hached

Une plainte pour apologie de crime de guerre a été déposée à Paris contre l’un des membres présumés du commando qui a assassiné le leader nationaliste.

Farhat Hached (à dr.) accueillant Habib Bourguiba à son retour d’Égypte, le 8 septembre 1949. © Kahia

Farhat Hached (à dr.) accueillant Habib Bourguiba à son retour d’Égypte, le 8 septembre 1949. © Kahia

Publié le 2 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

Son assassinat, en 1952, avait provoqué un soulèvement dans toute la Tunisie et des manifestations dans plusieurs capitales : Casablanca, Le Caire, Damas, Beyrouth, Karachi, Jakarta, Milan, Bruxelles, Stockholm. Farhat Hached fut, avec Habib Bourguiba, le leader le plus populaire de la lutte pour l’indépendance tunisienne. Revendiqué par la Main rouge, une milice coloniale travaillant pour le compte de l’État français, ce crime est resté impuni. Justice sera-t-elle faite cinquante-huit ans après ? Au nom de sa famille et de l’association Vérité et justice pour Farhat Hached, l’affaire a été portée, le 16 mars, devant le doyen des juges d’instruction près le tribunal de grande instance de Paris par des organisations humanitaires basées en France, dont la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). La plainte pour apologie de crime de guerre vise Antoine Melero, un membre présumé du commando de tueurs. Interrogé par la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira dans le cadre d’une enquête diffusée le 19 décembre 2009, Melero a déclaré, à propos de ce meurtre : « Moi, je le trouve légitime. Si c’était à refaire, je le referais. »

Ali Mahjoubi, professeur d’histoire contemporaine et ancien doyen de la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, retrace pour nous les circonstances de cette affaire.
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« Pour saisir les mobiles de ce crime, il faut rappeler que Farhat Hached se distingue dès les années 1930 par son militantisme syndical. En 1936, à l’âge de 22 ans, il adhère à la section tunisienne de la Confédération générale du travail (CGT). Il met à profit cette expérience syndicale pour lancer, le 20 janvier 1946, un syndicat spécifiquement tunisien, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui limite au départ son action aux revendications sociales, puis s’engage dans le combat anticolonialiste aux côtés du Néo-Destour.

Avec l’interdiction, en 1952, du parti nationaliste, la déportation de son chef, Habib Bourguiba, et l’éloignement ou l’exil de ses principaux cadres, Farhat Hached devient, de fait, le véritable chef du mouvement national tunisien. Et la cible tout indiquée tant des autorités coloniales que de la Main rouge. Étant membre de la direction de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), Hached jouit d’une certaine immunité et ne peut donc être arrêté sans provoquer la protestation des syndicats affiliés à cette organisation – notamment des syndicats américains –, que le gouvernement français tient à ménager. D’où le recours à l’assassinat politique. Une violente campagne de presse est menée par les milieux coloniaux contre Bourguiba et “Farhat Hached l’Américain”, appelant ouvertement à leur élimination physique. C’est ainsi que Paris, l’hebdomadaire des colons français, dénonce ces deux leaders et recommande de “frapper à la tête”, et ce au vu et au su des autorités coloniales, qui ne prennent aucune mesure pour prévenir l’assassinat. Une semaine après, le 5 décembre 1952, un commando crible de balles la voiture de Hached, qui se rendait de la banlieue de Radès à son bureau à Tunis. Blessé au ventre, le leader syndical est achevé quelques minutes plus tard par un second commando. Les services coloniaux de désinformation tentent d’accréditer la thèse d’un conflit interne pour faire porter les soupçons sur les Tunisiens, qui pour leur part accusent l’État français. Aucune enquête sérieuse n’a été menée sur ce crime, les archives françaises se rapportant à cette affaire étant à ce jour inaccessibles aux historiens. La plainte déposée le 16 mars permettra-t-elle de les ouvrir ? »

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