La grande distribution gagne de la surface
Portés par la hausse du pouvoir d’achat, les supermarchés se multiplient au Maroc et en Tunisie, où les perspectives de développement du secteur sont prometteuses. Seule l’Algérie reste à la traîne.
La grande distribution poursuit sa montée en puissance au Maghreb. En Tunisie, le leader Mabrouk (hypermarchés Géant, chaîne Monoprix) comptera en 2011 un nouveau concurrent avec l’ouverture à Sousse, à 150 km au sud de la capitale, d’un Hyper U exploité par le groupe Mhiri. Encore plus au sud, à Sfax, les groupes Poulina et Bayahi, actionnaires de la chaîne Magasin Général, annoncent l’implantation d’un hypermarché pour 2012. Au Maroc, 2009 a été marquée par l’accord passé entre Carrefour et le groupe Label’Vie ainsi que par l’arrivée du hard discounter turc BIM. Quant aux ouvertures de supermarchés dans le royaume, on en comptera plus d’une quinzaine cette année, qu’il s’agisse des enseignes Marjane, Acima ou Label’Vie.
Cette effervescence ne manque pas d’attirer l’attention. Dans son palmarès 2010 des pays à fort potentiel pour le commerce de détail, le cabinet américain AT Kearney a classé la Tunisie 11e sur 30 et le Maroc 15e. En progressions respectives de trois et quatre places, ils figurent désormais parmi les marchés à surveiller, devant la Turquie, la Bulgarie et même l’Afrique du Sud. Leurs atouts : un paysage peu concurrentiel et un niveau de risques jugé faible.
Occidentalisation
À l’inverse, l’Algérie dégringole de dix places dans le classement, au 21e rang. Une rétrogradation qui traduit le désintérêt des groupes internationaux à la suite du durcissement des lois sur les investissements étrangers et sur les importations. Cependant, cette mauvaise publicité, pas plus que le départ de Carrefour en 2009, n’aura pas découragé le groupe suisse Valartis, qui a ouvert le 5 août un centre commercial à Alger : plus de 90 magasins, auxquels il faut ajouter un hypermarché Uno – le premier en Algérie – de 7 600 m2, exploité par Numidis, filiale du groupe Cevital.
L’essor de la grande distribution au Maroc (12 % du PIB) et en Tunisie (10 %) tient à plusieurs facteurs. D’abord, l’émergence depuis une décennie d’une forte demande intérieure, stimulée par une augmentation constante du pouvoir d’achat. En Tunisie, le revenu des ménages a dépassé les 2 600 euros par an en 2009 et devrait, selon le cabinet tunisien d’analyse financière MAC SA, atteindre 3 635 euros en 2014. Même constat au Maroc, où ce revenu a augmenté de 2,8 % par an entre 2002 et 2008, pour atteindre 3 430 euros.
« Ce phénomène répond également à une occidentalisation de la classe moyenne, dont le mode de vie évolue vers une consommation plaisir », analyse Hassen Zargouni, directeur général du cabinet Sigma Conseil. « Un de nos points forts, c’est de jouer la différence avec l’épicier de quartier en proposant aussi des produits moins communs, comme un vin ou un fromage importés », confirme Riad Laissaoui, directeur général adjoint du groupe Label’Vie.
Des marges réduites
Car si concurrence il y a pour les grandes surfaces, c’est d’abord avec le commerce traditionnel. Au Maroc, il représente encore 88 % du marché, et près de 80 % en Tunisie. Dans ce contexte, les prix restent un argument de poids pour attirer les clients. « En Europe, la grande distribution s’est embourgeoisée et marge entre 30 % et 40 % ; au Maroc, nous ne dépassons pas 18 %, voire 5 % sur l’huile ou le sucre », assure Riad Laissaoui. Reste que nombre de consommateurs effectuent toujours leurs achats au coin de la rue, car ils pourront si besoin y obtenir des facilités de paiement.
D’autres barrières subsistent – difficultés à obtenir les autorisations administratives, à accéder au foncier, à trouver des profils qualifiés –, qui ralentissent le développement du secteur, limitent l’arrivée de capitaux et de savoir-faire étrangers. Les pouvoirs publics semblent néanmoins décidés à y remédier. Tunis a assoupli l’an dernier les règles de création des centrales d’achat, tandis que Rabat a relancé au début de 2010 le plan d’appui au secteur de 3,4 millions d’euros. Reste à vérifier les effets de ces mesures. En Tunisie, un rapport du cabinet Comete Engineering indiquait en 2008 que 300 000 m2 de surfaces de vente pouvaient encore être construites sans déstabiliser le marché.
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