Charles Murigande : « Le Rwanda n’a commis aucun crime »
Ancien chef de la diplomatie et actuel ministre de l’Éducation, Charles Murigande répond au rapport de l’ONU accusant son pays d’exactions en RD Congo.
Jeune Afrique : Comment réagissez-vous au terme « génocide » que le prérapport de l’ONU évoque comme un possible qualificatif des crimes commis en RD Congo ?
Charles Murigande : Ce mot est une insulte. En 1994 a eu lieu un génocide, et la communauté internationale n’a rien fait. Nos forces n’ont commis aucun génocide en RD Congo.
Que s’est-il alors passé dans l’est de la RD Congo, notamment entre 1996 et 1998 ?
L’ONU n’a pas entendu nos appels face aux attaques des génocidaires réarmés. Nous avons dû choisir de survivre, même si cela signifiait traverser la frontière d’un État souverain. Devions-nous mourir et attendre que l’on inscrive comme épitaphe des Rwandais « Ci-gît un peuple respectueux du droit international » ?
Nous sommes intervenus militairement pour obliger les camps à se disperser en novembre 1996. La violence n’a pas été nécessaire : il suffisait de tirer en l’air. Les forces génocidaires ont fui et une majorité de réfugiés a pu rentrer au Rwanda. Aurions-nous organisé leur rapatriement massif si nous avions voulu commettre un génocide ?
L’armée rwandaise a-t-elle commis des « crimes de guerre », y compris contre des civils ?
Il y a eu des affrontements avec les anciens génocidaires, les ex-FAR [Forces armées rwandaises, NDLR] et les milices Interahamwes. Ces groupes étaient structurés militairement, identifiables comme des combattants. Nous n’avons commis aucun crime de guerre.
Des rapporteurs des droits de l’homme, dont Roberto Garreton pour l’ONU, ont cependant parlé de « massacres ». Le chiffre de 200 000 morts a été évoqué.
Fin 1996, on a perdu la trace d’environ 200 000 civils, selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Depuis 1997, presque 150 000 personnes ont été rapatriées au Rwanda. Il reste au Congo environ 30 000 ex-FAR avec leurs familles. Et environ 20 000 anciens combattants rebelles ont été démobilisés et réinsérés au Rwanda.
Vos menaces de retirer vos 3 500 soldats de l’opération de maintien de la paix au Soudan sont-elles sérieuses ?
Notre position est logique : si l’ONU nous juge criminels, pourquoi ne nous retire-t-elle pas immédiatement de ses missions de paix ? Nos hommes ne sont pas des machines programmables, « génocidaires » ou « bons soldats » selon la volonté du gouvernement.
La publication d’un rapport qui nous accuserait provoquerait un retrait de nos troupes.
Accepteriez-vous une juridiction internationale sur ce qui s’est passé en RD Congo ?
Nous ne prendrons pas le train en marche d’une telle institution. L’ONU ne nous a pas sollicités pour connaître notre version. Pourquoi le ferait-elle maintenant ? Si elle faisait correctement son travail, nous n’aurions aucun problème sur le fait qu’elle enquête. Mais elle a fait ses investigations en essayant de conforter une thèse.
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