La tragédie du pouvoir
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 13 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.
Si l’Afrique est, Hélas! la championne du monde des dérives liées à la dévolution du pouvoir (élections truquées, coups d’État, opposants bâillonnés, voire embastillés, violences, transitions interminables, règlements de comptes politiques sous couvert d’opérations anticorruption…), la triste partie de poker menteur qui se joue aujourd’hui en Côte d’Ivoire échappe à toute grille de lecture usuelle. Un président sortant battu dans les urnes qui refuse de s’en aller, mais qui détient encore les leviers du pouvoir, un président élu qui se comporte comme le nouveau chef de l’État, deux Premiers ministres et deux gouvernements, une autorité bicéphale à tous les niveaux (entreprises publiques, administration, ambassades, etc.), un territoire national coupé en deux, des troupes étrangères aux aguets, une intense pression extérieure: le casse-tête ivoirien, inextricable écheveau d’intérêts divergents et d’acteurs ambigus, semble insoluble.
Cette tragédie du pouvoir est un cas d’école. Il n’y a ni potion magique ni panacée pour guérir le patient ivoirien. Seule compte la détermination: celle des citoyens, qui aspirent plus que jamais à la paix, celle aussi de l’Union africaine (UA), qui doit se poser comme le chef de file de tous ceux qui refusent de voir une nation prise en otage par un seul homme, dont l’appétit de pouvoir le dispute à l’aveuglement. Un homme qui a franchi le Rubicon sans ciller, insensible aux pressions extérieures, qui ne goûte guère la marche arrière, préférant à cette dernière la fuite en avant, avec tous les risques que cela comporte.
La Côte d’Ivoire représente l’échec le plus déprimant d’une tentative de sortie de crise africaine au regard du nombre incalculable de sommets, de Dakar à Pretoria, en passant par Accra ou Libreville, de réunions de la « dernière chance », de Premiers ministres éreintés, de psychodrames liés à la répartition des postes gouvernementaux, à la désignation des membres d’une Commission électorale indépendante, dissoute puis ressuscitée, ou à la validation – finalement inutile – de listes électorales. Tant d’efforts, de temps et d’argent gaspillés pour rien.
Depuis septembre 2002, nous aurons avalé toutes les couleuvres imaginables et serons passés par tous les états: de la peur de l’embrasement généralisé à l’espoir, en passant par l’impatience et la résignation. C’est au moment où nous y croyions le plus que le fragile château de cartes ivoirien s’est écroulé. Il aura suffi d’une simple pichenette, d’un infantile et suicidaire « j’y suis, j’y reste ».
L’UA et la Cedeao sont désormais face à leurs responsabilités. Le temps de l’incantation – « c’est aux Africains de régler leurs problèmes » – est révolu. Il faut agir, d’abord entre Africains, et contraindre Laurent Gbagbo à partir. Pour que de tels coups de force ne soient plus possibles. Et pour que l’exemple donné par le Guinéen Cellou Dalein Diallo, qui a su reconnaître sa défaite et éviter le pire à son pays, devienne la règle.
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