Libye : sur qui Kadhafi peut-il compter ?

Le « Guide » libyen Mouammar Kadhafi a annoncé son intention de se battre jusqu’à sa « dernière goutte » de sang. Mais qui est susceptible de le suivre jusqu’au bout ?

Le colonel Kaddafi en pleine prière, le 13 février 2011 à Tripoli. © AFP

Le colonel Kaddafi en pleine prière, le 13 février 2011 à Tripoli. © AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 23 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Combien de temps Mouammar Kadhafi va-t-il tenir face à la vague de manifestations ? Sur le papier, le numéro un libyen dispose d’un appareil répressif impressionnant. En première ligne, il y a les 60 000 hommes de la sécurité intérieure et les 30 000 miliciens du Mouvement des comités révolutionnaires (MCR). Le MCR, c’est l’État dans l’État. Créé en 1977, il compte plus de 300 000 membres. Pour le régime, il est à la fois la police, les renseignements généraux et le parti-État – qui organise les manifestations de soutien au « Guide de la Révolution libyenne ». Le patron du MCR, Ahmed Ibrahim, n’est pas un enfant de chœur. En avril 1984, il s’est fait connaître en organisant la pendaison publique et télévisée de onze « étudiants contre-révolutionnaires » sur le campus de l’université de Benghazi. Depuis le début des émeutes anti-Kadhafi, le 15 février, les jeunes des grandes villes de Cyrénaïque brandissent les portraits de ces onze suppliciés. Autant dire qu’Ahmed Ibrahim est l’un des hommes les plus détestés de Benghazi, la deuxième ville du pays (700 000 habitants).

Apparemment, le MCR est un formidable instrument de quadrillage du pays, mais il est à bout de souffle. À l’intérieur du régime, les réformateurs – Seif el-Islam Kadhafi en tête – ne supportent plus son pouvoir tentaculaire et son immobilisme, notamment son refus de toute Constitution. Surtout, les milliers de manifestants de ces derniers jours montrent que le MCR ne tient plus le pays, et notamment la Cyrénaïque. La nouveauté, depuis la chute des deux régimes voisins de Tunisie et d’Égypte, c’est que de nombreux jeunes de cette région, mais aussi de Tripolitaine, n’ont plus peur d’affronter les nervis de Kadhafi.

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Sans doute le numéro un lui-même n’a-t-il qu’une confiance limitée dans les comités révolutionnaires – trop nombreux, trop « auberge espagnole ». Le vrai bouclier du régime est ailleurs. Pour sa sécurité, le « Guide » s’appuie bien entendu sur ses services de renseignements. Officiellement, le très influent Moussa Koussa s’est retiré pour se consacrer à son nouveau portefeuille des Affaires étrangères. En réalité, il garde la haute main sur les « services ». Mais pour sa protection rapprochée, Kadhafi s’en remet surtout à la Garde – ce que les Libyens appellent la « Katiba ». Comme la Garde républicaine en Irak au temps de Saddam Hussein, ­celle-ci est mieux équipée que l’armée. Ses 22 000 Bérets rouges – renforcés par 4 000 nouvelles recrues depuis le début de l’année – sont les soldats d’élite du régime. Ils protègent la personne du « Guide » et tous les endroits stratégiques du pays, notamment à Tripoli.

Sosie du "Guide"

Parmi les chefs de la Garde figure le colonel Abdallah Sénoussi, beau-frère du numéro un libyen. L’individu est très connu des services occidentaux. Après l’attentat contre le DC10 d’UTA, en septembre 1989, la justice française l’a condamné par contumace à la prison à vie. À la tête de la Garde, Sénoussi partage le pouvoir avec un sosie du « Guide ». Normal, c’est l’un de ses cousins. Même taille, même chevelure, même profil… Le général Ahmed Kaddaf Eddam ressemble tellement à son patron que, quelquefois, dans les sommets internationaux, les diplomates le saluent en croyant qu’il s’agit de Kadhafi.

En fait, pour sa sécurité et celle de son régime, le « Guide » a placé aux postes clés des membres de sa tribu, les Gueddafi, qui sont originaires d’une vaste zone désertique entre Syrte et Sebha. Dans la capitale, Tripoli, le chef de la sécurité, le colonel Abdessalam Alhadi, est l’un de ses neveux. Et à Benghazi, l’homme fort, le colonel Mabrouk Warfali, est l’un de ses cousins.

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Restent les enfants du « Guide ». Tout le monde parle de Seif el-Islam, le dauphin présumé, le « politique ». Mais Mootassem, le « militaire », pèse aussi dans l’appareil. Il préside même le Conseil de sécurité nationale, que son père a créé sur mesure pour lui, en 2007. Autre fils, le bouillant Saadi. Ce footballeur raté a des prétentions sécuritaires. Qui soutient encore Kadhafi ? Plus le régime sera menacé, plus le « Guide » se repliera sur sa tribu et sa famille proche.

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