Avec Juppé au Quai d’Orsay, le cactus rwandais retrouve des épines

Un peu plus d’un an après le rapprochement franco-rwandais, la nomination du nouveau ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, n’est pas vue d’un bon oeil à Kigali. Où on l’attend de pied ferme…

Bernard Kouchner et Louise Mushikiwabo, à Kigali en janvier 2010. © AFP

Bernard Kouchner et Louise Mushikiwabo, à Kigali en janvier 2010. © AFP

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Publié le 8 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

Si la réconciliation franco-rwandaise, consacrée par la visite de Nicolas Sarkozy à Kigali en février 2010, relève d’une décision présidentielle qui ne sera pas remise en cause, son contenu qualitatif risque de pâtir du grand retour d’Alain Juppé au Quai d’Orsay.

Juppé et le Rwanda, c’est une histoire complexe, conflictuelle et personnelle. Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de cohabitation d’Édouard Balladur à l’époque du génocide, sous la présidence de François Mitterrand, il fut l’un des architectes d’une politique très controversée qu’il n’a depuis jamais cessé de défendre. « Les extrémistes se trouvent dans les deux camps », confiait-il à Jeune Afrique en juin 1994, renvoyant dos à dos le Front patriotique rwandais, « qui entend conquérir le pays à tout prix », et l’armée gouvernementale, « qui se livre, directement ou à travers les milices, à un véritable génocide ». À ses yeux, l’ex-président Juvénal Habyarimana, abattu deux mois plus tôt, représentait le « fragile espoir » d’une réconciliation entre « les modérés des deux bords » que le ministre continuait sans ciller, en plein génocide, d’appeler de ses vœux.

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Dix-sept ans plus tard, Alain Juppé n’a pas fondamentalement changé de position. À plusieurs reprises, sur son blog, il est intervenu pour défendre la politique rwandaise de la France et le rôle de l’opération Turquoise, qui, assure-t-il, « a permis de sauver des centaines de milliers de vies ». Lorsque, en janvier 2008, l’un de ses successeurs au Quai, Bernard Kouchner, se rend à Kigali et parle de « faute politique » de la France, il réplique en dénonçant « les amalgames de la repentance » et « les compromissions de la realpolitik ». Il y a un an, à la suite de la visite de Sarkozy, Juppé persistait : « Il est utile que la France et le Rwanda dissipent les malentendus et se réconcilient. […] Mais il ne serait pas acceptable de réécrire une autre histoire. »

Alain Juppé n’a jamais varié de position sur le Rwanda.

© AFP

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Attendu au tournant

À Kigali, où la lecture des responsabilités françaises dans le génocide est radicalement inverse, Alain Juppé est toujours assimilé aux ennemis du régime actuel. Deux rapports d’enquête rwandais sur les événements de 1994 l’incriminent nommément – avec d’autres – et vont jusqu’à préconiser des poursuites judiciaires à son encontre. On imagine donc que le nouveau titulaire du Quai sera attendu au tournant sur ce dossier sensible – et qu’il ne l’ignore pas.

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Interrogée par J.A., Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, se dit ainsi « désagréablement surprise » par le retour d’un homme dont les opinions en la matière « n’ont jamais varié ». « Certes, poursuit la ministre, nous faisons la distinction entre la France et son président, d’une part, et Alain Juppé, de l’autre, mais l’annonce de sa nomination nous a réellement refroidis. Compte tenu de son itinéraire rwandais pour le moins contestable, nous attendons de sa part un vrai travail personnel et beaucoup d’efforts. Nous attendons aussi qu’il clarifie sa position. La balle est dans son camp. » Le message est clair.

En attendant, on ne peut que souhaiter bon courage à Laurent Contini, l’ambassadeur de France à Kigali nommé par Kouchner, qui se bat comme un beau diable pour renouer les fils d’une relation sans cesse remise en cause. 

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