Haïti : ne l’appelez plus « Sweet Micky »

L’ancien chanteur Michel Martelly a été élu à la présidence haïtienne en promettant le changement. Mais a-t-il les moyens de ses ambitions ?

Michel Martelly, après sa conférence de presse du 5 avril, à Port-au-Prince. © AP/SIPA

Michel Martelly, après sa conférence de presse du 5 avril, à Port-au-Prince. © AP/SIPA

Publié le 15 avril 2011 Lecture : 3 minutes.

L’évocation de son nom de scène – « Sweet Micky » – avait le don de l’énerver. Désormais, il faudra l’appeler « Monsieur le Président ». Avec 67 % des voix selon les résultats provisoires dévoilés le 4 avril, Michel Martelly, 50 ans, a écrasé sa rivale, l’universitaire Mirlande Manigat, au second tour de la présidentielle. Il succède ainsi au très effacé René Préval.

En quelques mois, Martelly, cette bête de scène capable de se trémousser habillée en femme ou d’exhiber ses fesses en public, a réussi une mutation à laquelle bien peu croyaient lorsqu’il s’est lancé dans la course à la présidence. C’était en juillet dernier. Partie au plus bas dans les sondages, la star du kompa, sorte de calypso haïtien, a progressivement grignoté du terrain sur ses adversaires à force de meetings à l’américaine, de formules qui font mouche dans un pays où les politiques ont longtemps déçu, d’un programme séduisant – l’éducation et la santé gratuites, la sécurité et la solidarité – et d’un « plan com’ » bien ficelé. Si, lors des meetings, il pouvait se lâcher, multipliant bons mots pas forcément très amènes à l’égard de ses concurrents, devant les caméras, Martelly se muait en homme d’État : costumes sobres, regard noir et discours sur mesure pour séduire les bailleurs.

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« Micky est un animal politique. L’establishment n’a pas réalisé à quel point il était un phénomène », analyse l’éditorialiste de The Haitian Times, Gary Pierre-Pierre. Élu par les jeunes sur le thème du changement, porteur d’un véritable espoir pour les plus démunis, Martelly a souvent été comparé au Jean-Bertrand Aristide des années 1980, lorsque le curé enflammait les bidonvilles. À vrai dire, les deux hommes n’ont rien en commun. Issu de la bourgeoisie métisse, Martelly fut même l’un de ses opposants les plus farouches. Membre des milices du régime Duvalier durant sa jeunesse, il fraya, dans les années 1990, lorsque sa carrière de chanteur explosa, avec les auteurs du putsch de 1991 contre « Titid ». Aujourd’hui encore, il tient un discours conservateur et place le retour à l’ordre en tête de ses priorités. Durant sa campagne, il a été conseillé par l’agence Ostos & Sola, liée au Parti populaire espagnol (droite), et a été soutenu par un diplomate américain, Stanley Schager, proche des néo-duvaliéristes dans les années 1990.

Situation critique

Pourtant, il se présente désormais comme un homme neuf. Lors de sa première conférence de presse après l’annonce de sa victoire, il a assuré vouloir être « le président de tous les Haïtiens ». « Vous avez voté pour le changement de nos pratiques politiques, de nos choix économiques, de notre organisation sociale », a-t-il observé.

Réussira-t-il là où Aristide a échoué ? Déjà, certains observateurs craignent un retour à un régime autoritaire. Durant la campagne, Martelly n’a pas hésité à menacer des journalistes. Nerveux, il a eu du mal à se maîtriser face à la contradiction. Surtout, il hérite, plus d’un an après le séisme du 12 janvier 2010, d’une situation critique, à laquelle « viendront s’ajouter, s’est inquiété le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le début de la saison des ouragans, le manque de compétences dans le secteur public et la désillusion de la population ».

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Il aurait pu ajouter que Martelly devra cohabiter (dans un régime parlementaire) avec une Assemblée dominée par le parti de son prédécesseur, qu’il devra composer avec une communauté internationale omniprésente qui a pesé de tout son poids dans le processus électoral, et, surtout, qu’il aura à gérer la présence forcément pesante des « ex » revenus au pays : son ancien guide, Jean-Claude Duvalier, et son pire ennemi, Jean-Bertrand Aristide. 

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