Côte d’Ivoire : IB emporte avec lui ses secrets
Le chef du mystérieux « commando invisible », Ibrahim Coulibaly, a été exécuté par ses anciens frères de la rébellion ivoirienne dans la soirée du 27 avril.
« C’était un chien fou, capable de tous les coups », disait de lui Jean-François Cazé, le mercenaire français impliqué avec Ibrahim Coulibaly (IB) dans la tentative avortée de déstabilisation de décembre 2007. Le plus célèbre putschiste de Côte d’Ivoire a été tué par ses anciens frères de la rébellion dans la soirée du 27 avril. Selon le ministère ivoirien de la Défense, il avait refusé, le matin même, de se rendre à un troisième rendez-vous de conciliation. L’ex-sergent-chef de l’armée était réapparu en janvier 2010 à Abidjan à la faveur de la crise postélectorale. Il était le chef du « commando invisible », un mystérieux groupe armé de cinq cents hommes opposé aux forces fidèles à Laurent Gbagbo et qui avait pris le contrôle du quartier d’Abobo, dans le nord d’Abidjan. Revendiquant sa part dans la chute du président sortant, il avait demandé, sans succès, à rencontrer Alassane Ouattara. Selon l’entourage d’IB, Guillaume Soro, l’actuel Premier ministre, avait mis son veto.
Le 27 avril au matin, les commandants des Forces nouvelles (FN, pro-Soro), Morou Ouattara, Hervé Touré « Vetcho » et Chérif Ousmane, ont rapidement pris le contrôle d’Abobo et réussi à l’encercler dans une résidence à la lisière de la commune d’Anyama. « Je suis très préoccupé et occupé, je vous rappelle dans quelques minutes », confiait-il à J.A. deux heures avant sa mort. Il avait demandé la protection des soldats de l’ONU. Une escorte onusienne était même en route quand le camp Soro lui a demandé de rebrousser chemin. « Il s’est rendu puis ils l’ont ligoté et torturé pour lui extorquer des aveux [NDLR : qui l’a fait revenir en Côte d’Ivoire ? Qui le finançait ?] avant de l’exécuter sommairement », nous a indiqué un membre de sa famille. IB mort, c’est une partie des secrets des derniers putschs de Côte d’Ivoire qui se sont envolés avec lui.
Né le 24 février 1964 à Bouaké, IB intègre l’armée en 1985. Affecté à la garde personnelle de plusieurs personnalités, il est l’un des artisans du renversement d’Henri Konan Bédié, le 24 décembre 1999. Après avoir contribué à installer au pouvoir le général Gueï, il se brouille avec lui. Ce dernier l’écarte en le nommant attaché militaire au Canada.
Étrange libération
IB participe aussi, en janvier 2001, au complot de la « Mercedes noire », visant à destituer Gbagbo. Le coup échoue. Il se rend alors au Burkina, où il prépare le putsch du 19 septembre 2002. Mais il entre en conflit avec Soro, plus politique, qui l’évince de la rébellion. IB se réfugie alors en France, où il est arrêté en septembre 2003. Accusé de fomenter un nouveau coup de force contre Gbagbo, il est curieusement libéré après vingt et un jours de détention et s’évanouit dans la nature. Son exil le mène au Bénin et au Ghana. Pour Soro, IB est derrière une série de tentatives visant à l’éliminer, notamment le mystérieux coup d’État avorté de décembre 2007, « Noël à Abidjan ». Le militaire souhaitait pourtant faire son entrée en politique et se présenter à la présidentielle. Mais Soro s’y est toujours opposé.
Comment a-t-il pu réapparaître à Abidjan ? Certains affirment que Gbagbo l’a fait revenir mais qu’il s’est retourné contre lui, d’autres que Ouattara et les services français l’auraient armé pour organiser la résistance au président sortant. Toujours est-il qu’IB a toujours pu circuler dans la sous-région malgré deux condamnations des tribunaux français et un mandat d’arrêt international lancé par la Côte d’Ivoire en janvier 2008.
« Je présente mes condoléances à sa femme, à ses enfants, a déclaré le président Alassane Ouattara. C’est un jeune homme qui a été garde du corps chez moi. Bien entendu, des choses se sont passées… Cela est regrettable. »
Si la mort d’IB en arrange beaucoup, pas sûr que le temps des « petits meurtres entre amis » soit révolu…
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