La Silicon Valley égyptienne ne connaît pas la crise
Créé en 2001 en Égypte, le Smart Village a surmonté la révolution sans revoir ses objectifs à la baisse. Au contraire, les événements ont confirmé l’engouement de la population pour le secteur des TIC. Reportage.
Comme un mirage : à 28 km du Caire et de ses miasmes urbains, un écrin de verdure tranche avec le paysage aride alentour. Une pyramide de verre au milieu d’un lac artificiel, des constructions en pierre ocre et aux vitres bleues, une architecture futuriste… Bienvenue au Smart Village. Initié en 1999 par l’ancien Premier ministre Ahmed Nazif (arrêté le 10 avril pour « gaspillage de fonds publics » et en attente d’un jugement) qui voulait créer, sur le modèle californien, une Silicon Valley à l’égyptienne, le Smart Village est devenu progressivement la vitrine high-tech du pays des Pharaons.
Dix ans après sa création en 2001, 28 000 personnes y travaillent, au sein de 125 entreprises des technologies de l’information et de la communication (TIC). Un secteur qui a rapporté 875 millions d’euros à l’Égypte en 2010. Certes, les deux activités principales du site restent les centres d’appels et la programmation informatique basique à bas coût. Mais le Smart Village s’est fait un nom. Et son promoteur, la Smart Village Company (détenue à 80 % par des professionnels égyptiens des télécoms et à 20 % par l’État), compte bien atteindre le seuil des 100 000 employés sur le site en 2014.
Secteur privé majoritaire au Smart Village
« Quarante-trois bâtiments sont déjà fonctionnels, et 36 sont en construction, tous hyperconnectés », explique Mona Francis, chargée des relations publiques. Des terrains de sport, un jardin d’enfants, une mosquée, un complexe hôtelier, un centre de conférences… Le tout situé à proximité des lotissements de Cheikh Zayed, une banlieue de la capitale prisée par la classe moyenne.
Depuis le bâtiment de la direction, véritable tour de contrôle, s’étendent les trois zones du village. Un premier quartier rassemble le secteur public, avec les services du ministère de l’Information et de la Communication, le centre de numérisation des Archives nationales, ainsi que des sociétés publiques comme Xceed, filiale de Telecom Egypt, gigantesque centre d’appels où 1 800 opérateurs travaillent pour des multinationales.
Mais la plus grande partie du village est réservée au secteur privé : elle accueille de grandes sociétés internationales de l’informatique et de la téléphonie ou des sociétés égyptiennes, souvent sous-traitantes. Le géant des logiciels Microsoft, qui a décentralisé ici ses services administratifs berlinois, côtoie Oracle, l’un des leaders des systèmes informatiques de gestion d’entreprise. Le franco-canadien Alcatel-Lucent est voisin de son concurrent chinois Huawei. Les opérateurs Vodafone et Mobinil (filiale de France Télécom) sont également présents.
District financier
Plus loin, des grues s’activent. Une troisième zone accueillera en 2014 la Bourse du Caire, aujourd’hui installée en centre-ville. « Nous voulons bâtir un véritable district financier. La banque britannique HSBC a déjà établi ici son siège pour l’Afrique et le Moyen-Orient », s’enthousiasme Mona Francis.
La révolution a montré l’engouement des Égyptiens pour les technologies.
À la différence de l’industrie ou du tourisme, le secteur des TIC a peu souffert de la révolution. « Nos centres d’appels ont continué de fonctionner 24 heures sur 24, notamment celui des ambulances, très sollicité au plus fort de la crise », indique Rabab Hassan, responsable du marketing chez Xceed. « Si la révolution a montré quelque chose, c’est justement l’engouement des Égyptiens pour les technologies », affirme Maha Abouelenein, responsable de la communication Afrique du Nord de Google. À court terme, quelques groupes, tel IBM, ont gelé leurs annonces d’investissements au Smart Village. Mais ce n’est que partie remise. Une fois passées les élections – elles sont prévues en fin d’année –, gageons que les projets afflueront de nouveau.
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