Soudan du Sud : bons baisers d’Israël

Israël s’est empressé de reconnaître le gouvernement de Juba et de lui proposer son aide. À l’évidence, il voit dans le Soudan du Sud un nouveau partenaire stratégique en Afrique.

Réfugiés sud-soudanais à Tel-Aviv, le 9 janvier. © Menahem Kahana/AFP

Réfugiés sud-soudanais à Tel-Aviv, le 9 janvier. © Menahem Kahana/AFP

perez

Publié le 24 août 2011 Lecture : 3 minutes.

« Israël reconnaît le Soudan du Sud, et lui souhaite de réussir. Ce pays aspire à la paix, et nous serons heureux de coopérer avec lui pour contribuer à sa prospérité. » C’est en ces termes que Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a annoncé le 10 juillet l’établissement de relations diplomatiques avec Juba. Ou plutôt leur officialisation, car les premiers contacts entre Israël et le Soudan du Sud remontent à une quarantaine d’années. En 1967, les rebelles du Sud avaient empêché l’armée soudanaise de prendre part à la guerre des Six-Jours. En guise de remerciement, l’État hébreu leur avait distribué des armes confisquées à ses adversaires arabes. Plus récemment, en 2009, le régime d’Omar el-Béchir a accusé Israël d’avoir offert un appui militaire et logistique aux rebelles du Darfour, notamment au Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE).

Passeurs bédouins

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Aujourd’hui, l’une des questions prioritaires qui pèsent sur les relations bilatérales concerne le sort des 8 700 clandestins soudanais réfugiés en Israël, dont un quart serait originaire du Sud. Nombre d’entre eux ont fui la guerre et les exactions attribuées aux milices Djandjawid, rejoignant la Terre promise grâce aux filières de passeurs bédouins dans le Sinaï. Avec l’indépendance du Sud, leur exil pourrait prendre fin. Eli Yishai, le ministre israélien de l’Intérieur, s’est maintes fois prononcé pour leur rapatriement rapide.

Mais, dans un premier temps, c’est une importante cargaison d’aide humanitaire que l’État hébreu a fait parvenir au Soudan du Sud. Se disant sensible à la détresse de ce pays chrétien, l’ONG IsraAid évoque « un geste de bonne volonté venant du peuple juif ». Derrière cette sollicitude, bien d’autres intérêts sont en jeu. Les Israéliens considèrent le gouvernement de Juba comme un partenaire de choix en Afrique, moins pour ses richesses pétrolières que pour son positionnement stratégique. Au Nord, le régime de Khartoum est devenu une plaque tournante de la contrebande d’armes à destination des islamistes du Hamas, au pouvoir à Gaza. Le 5 avril, à Port-Soudan, une mystérieuse frappe aérienne contre un convoi de véhicules avait été attribuée à l’aviation israélienne.

Pour l’État hébreu, une alliance avec le Soudan du Sud signifierait un retour à la « doctrine de la périphérie », prônée en son temps par David Ben Gourion. Celle-ci vise à bâtir des relations privilégiées avec des pays qui encerclent le monde arabe, à l’instar de la Turquie dans les années 1990. Même si Juba n’a pas encore dépêché d’ambassadeur à Tel-Aviv, il ne semble pas hostile à ce principe : « Israël est l’ennemi de la Palestine, pas du Soudan du Sud », avait déclaré le président Salva Kiir en octobre 2010, avant d’être rappelé à l’ordre par la Ligue arabe.

Contrats et business

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En attendant, Israël avance ses pions. Après la visite d’une délégation commerciale, deux hommes d’affaires israéliens, Tamir Gal et Rafi Dayan, sont en passe de décrocher un premier contrat, estimé à 25 millions de dollars. Via la société Yarok 2000, ils proposeraient aux autorités sud-soudanaises d’implanter des cultures irriguées de fruits et de légumes, de créer des élevages de volailles ainsi qu’un abattoir. Des communautés agricoles, inspirées des kibboutz, devraient également voir le jour en 2012. Elles accueilleront les anciens soldats déployés à la frontière avec le Nord. Quant à Bilpam, le premier fournisseur d’accès à internet du pays, il a été mis en place grâce à des experts israéliens des télécommunications. L’hôtel Shalom de Juba, lieu de rendez-vous des hommes d’affaires étrangers, bruisse de conversations en hébreu.

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