Yannick Morillon : « À la demande d’Alpha Condé, nous allons relancer la filière cotonnière »
L’accord signé le 24 juin avec Conakry doit faire repartir un secteur sinistré. Et marque, pour la filiale d’Advens que dirige le Franco-Sénégalais Abbas Jaber, le début d’une nouvelle expansion en Afrique de l’Ouest.
Jeune Afrique : Pourquoi revenir en Guinée, un pays que votre entreprise avait quitté en 1998 à la suite de conflits avec vos partenaires de l’époque ?
Yannick Morillon : Parce qu’il existe une forte volonté politique des autorités guinéennes pour que nous y retournions ! Le président Alpha Condé est venu nous voir à Paris en avril, pour nous demander de l’aider à redémarrer la filière. Originaire de la région cotonnière de Kankan, il savait que la Compagnie française pour le développement des fibres textiles [CFDT, ancêtre de Geocoton, NDLR] avait laissé un bon souvenir chez les agriculteurs guinéens. Présents de 1985 à 1998, nous avions poussé la production annuelle jusqu’à 46 000 tonnes de coton graine [contre moins de 1 000 t aujourd’hui]. Et cela même si nous étions en désaccord avec certains partenaires non agricoles et le gouvernement de l’époque.
Quelle est votre stratégie pour relancer la filière ?
L’accord signé fin juin concerne la campagne cotonnière 2011-2012 : il s’agit de relancer les plantations et d’auditer l’outil industriel. Quatre experts de Geocoton ont été dépêchés sur place avec 300 t de semences. Cela représente 1 million d’euros d’investissement. Aujourd’hui, 6 000 hectares ont déjà été ensemencés. Nous travaillons dans la région de Kankan, mais aussi dans le nord du Fouta-Djalon. Nous répondons ainsi à la demande d’Alpha Condé, qui souhaite montrer qu’il ne privilégie pas sa région d’origine au détriment des autres. Mais au-delà des plantations, deux défis majeurs attendent le coton guinéen : l’alimentation en énergie des usines et la logistique. Deux chantiers que nous allons étudier en profondeur avant de faire des propositions.
Une fois la première campagne passée, quels sont vos objectifs à plus long terme ?
Si le gouvernement est d’accord, nous souhaitons créer, en association avec l’État, une société cotonnière où nous serions majoritaires. Nous pensons pouvoir produire 50 000 t par an, en nous inspirant de ce que nous faisons au sein de notre filiale burkinabè, la Société cotonnière du Gourma, où nous parvenons à des rendements de 1 t par hectare.
Êtes-vous dans une logique d’expansion en Afrique de l’Ouest ?
Nous terminons une phase de réorganisation. Nous cherchons à nous recentrer sur l’Afrique, où nous réalisons 90 % de notre chiffre d’affaires et pouvons mutualiser nos moyens. Nous restructurons aussi notre dette avec des partenaires bancaires présents sur le continent. Les effets de cette démarche se font déjà sentir, même si nous avons aussi été aidés par la bonne tenue des cours. En 2010, nous avions un chiffre d’affaires de 301 millions d’euros, qui devrait croître de 9 % en 2011. Notre plan stratégique en quatre ans doit nous amener à 460 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Nous sommes donc prêts à saisir les opportunités africaines…
Justement, la Compagnie malienne des textiles [CMDT] est engagée dans un processus de privatisation, qui semble enlisé pour le moment… Êtes-vous intéressé ?
La CMDT est l’une des plus belles sociétés cotonnières ouest-africaines. Nous sommes intéressés, bien sûr, mais à condition d’avoir toutes les informations sur chacun des quatre lots mis en vente, ce qui n’était pas le cas lors du premier appel d’offres, en janvier. Nous avions alors renoncé à présenter une offre. Si la donne change, nous pourrions revoir notre position.
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