Libye : Senoussi, l’homme des basses oeuvres

Le cas Senoussi dérange. Les autorités libyennes ont annoncé sa capture à Sebha, dans le Sud, avant de se rétracter. Dans l’attente de la confirmation de son arrestation, portrait de l’ex-numéro deux officieux du régime Kadhafi, dont le nom est synonyme de terreur.

Abdallah Senoussi, ancien patron des services de sécurité extérieure. © Dario Lopez-Mills/Sipa

Abdallah Senoussi, ancien patron des services de sécurité extérieure. © Dario Lopez-Mills/Sipa

Publié le 5 décembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Dans les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks, les Américains décrivent Abdallah Senoussi comme l’« homme à tout faire » de Kadhafi, vivant dans la terreur du « Guide » libyen, chargé des affaires courantes et même de ses rendez-vous médicaux. Marié à la belle-sœur de Mouammar, Senoussi, 62 ans, est doublement lié au régime. Par alliance et par le sang qu’il a fait couler depuis les années 1980. L’homme a connu une ascension fulgurante après avoir été introduit dans le premier cercle du pouvoir par Abdessalem Jalloud. Membre du Conseil de commandement de la révolution, ce dernier recrute des proches, prioritairement de sa tribu, les Megraha. Parmi eux, Abdallah Senoussi, un lointain cousin.

Né en 1949, le futur chef des renseignements est formé à l’Académie militaire du Caire. À la tête des comités révolutionnaires, Jalloud mène la chasse aux « chiens errants », nom donné par le régime aux opposants en exil. C’est là que le lieutenant-colonel Senoussi s’illustre. Brutal, n’hésitant pas à superviser directement les interrogatoires et séances de torture, il devient responsable des services de sécurité extérieure et recrute à son tour un homme de sa tribu, Abdelbasset el-Megrahi, qui assumera presque seul la responsabilité de l’attentat contre l’avion de la Pan Am à Lockerbie au terme d’un feuilleton judiciaire rocambolesque. Mais, en 1989, un an après Lockerbie, un autre avion explose en plein vol. Le vol UT 772 d’UTA se désintègre au-dessus du Niger. Reconnu instigateur et cerveau de l’attentat, Senoussi est condamné, en 1999, à la réclusion à perpétuité par la cour d’assises spéciale de Paris. À l’époque, les observateurs, et même le juge Bruguière, notent une défense erratique, comme si Senoussi acceptait par avance de payer l’addition.

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Recherché par la justice française, le numéro deux officieux du régime libyen ne peut plus voyager en Occident. Il est définitivement lié à Kadhafi. C’est en Libye qu’il continuera de sévir. On dit qu’il supervise la formation du jeune Seif, qui partage avec lui une partie des dossiers politiques. L’opposition de façade entre le bon héritier et le méchant apparatchik ne tient pas la route. À chaque étape de la carrière de Seif, Senoussi est aux manettes, l’orientant et le conseillant. Les gouvernements valsent, lui reste. Toujours plus proche de Kadhafi, il coiffe la Katiba, qui s’occupe de la sécurité personnelle de Mouammar.

Exportation

En 1996, les détenus de la prison d’Abou Salim dénoncent leur sort : mauvais traitements, torture, détentions sans procès. Prétextant une mutinerie, Senoussi donne l’ordre de tirer : 1 200 prisonniers sont abattus. Toute la Libye est au courant, mais personne n’ose rien dire. Dix ans plus tard, quand les étudiants de Benghazi se soulèvent en mémoire des massacrés d’Abou Salim, il fait donner la poudre, faisant au moins treize morts parmi les manifestants. La terreur a un nom : Abdallah Senoussi.

Même privé de sortie par la condamnation française, l’homme exporte son savoir-faire. En 2004, le New York Times révèle un complot visant le prince héritier saoudien, à l’époque Abdallah. Deux hommes sont arrêtés, l’un en Égypte, l’autre aux États-Unis. Ils accusent Senoussi. Dans une de ses dernières apparitions, à la télévision libyenne, en juillet, il se met en scène avec de prétendus terroristes islamistes. Par courtes phrases hachées, il se lance dans une hallucinante ouverture tactique. « Si l’Occident s’allie aux extrémistes d’Al-Qaïda, nous sommes plus proches encore de ceux-là. Al-Qaïda est présente en Algérie, dans le Sahel et aujourd’hui en Libye, grâce à l’Otan. On s’entendrait bien, on parle la même langue. »

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