Le pétrolier Shell a-t-il une responsabilité dans l’exécution d’un opposant nigerian ?

Shell comparaît le 26 mai à New York pour complicité de violations des droits de l’Homme dans le Sud du Nigeria. Le géant pétrolier est accusé d’avoir une responsabilité indirecte dans l’exécution, en novembre 1995, de Ken Saro-Wiwa et de huit autres militants qui dénonçaient les conséquences de l’exploitation de l’or noir.

Publié le 14 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

Royal Dutch Shell sur le banc des accusés. Le 26 mai, le géant pétrolier devra rendre des comptes devant la cour fédérale américaine de New York sur sa responsabilité présumée dans l’exécution de neuf militants de l’Ogoniland (Etat du Rivers, sud-est), en 1995. Le procès pourrait durer deux semaines et coûter des millions de dollars à la multinationale hollandaise.

Les activistes ogonis ont été pendus le 10 novembre 1995 au terme d’un procès devant un tribunal militaire. Leur crime ? Officiellement, ils étaient jugés coupables du meurtre de plusieurs politiciens. Mais selon les proches des disparus, auteurs des deux plaintes ayant débouché sur la procédure, ce sont clairement leurs revendications qui les ont conduits à la potence.

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Partage des richesses et pollution

Dans les années 1990, Ken Saro-Wiwa, le plus célèbre des neuf militants, a formé le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Mosop) avec d’autres habitants de la région. Le Mosop demandait une meilleure répartition des richesses du pétrole avec les populations locales et des réparations pour la pollution environnementale, notamment causée par le torchage des gaz issus de l’exploitation de l’or noir.

Les représentants de la minorité Ogoni n’auraient pas obtenu satisfaction et se seraient décidés à durcir leur mode d’action. Les opérations menées pour obtenir gain de cause sont généralement présentées comme pacifiques. Cependant, certaines sources font état de puits de pétrole sabotés et d’employés de Shell battus.

« On pourra peut-être faire quelque chose si… »

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Quoi qu’il en soit, Shell a décidé de quitter l’Ogoniland en 1993. Le régime du général putschiste Sani Abacha, soupçonné d’avoir largement profité des revenus du pétrole dans la région, aurait alors intensifié la répression contre le peuple ogoni. Ken Saro-Wiwa et ses compagnons de lutte sont finalement arrêtés et exécutés après des mois de prison et de procès.

Les avocats des plaignants affirment qu’ils possèdent des documents de Shell où Ken Saro-Wiwa est considéré comme une menace qu’il faut éliminer. Le Centre pour les droits constitutionnels, qui représente la famille de Ken Saro-Wiwa, explique par ailleurs que des employés de Shell étaient présents lorsque des pots-de-vin ont été proposés à deux témoins pour qu’ils chargent l’activiste lors du procès.

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Quant à Owens Saro-Wiwa, le frère de l’écrivain, il aurait déclaré que le managing director de la branche nigériane de Shell de l’époque, Brian Anderson, lui aurait dit : « Si vous arrêtez la campagne, peut-être qu’on peut faire quelque chose pour votre frère ».

Shell « choqué et attristé »

« Nous sentons leurs empreintes digitales (celles de Shell, ndlr) sur toutes les tortures, les meurtres, les exécutions extrajudiciaires d’Ogonis entre 1993 et 1996. Ils ont payé le soutien logistique aux soldats impliqués dans les violations des droits humains du peuple Ogoni », renchérit Ken Saro-Wiwa junior, le fils du militant que l’ancien président américain Bill Clinton aurait tenté de sauver en appelant Sani Abacha.

Le pétrolier, lui, nie toute implication dans l’exécution de Ken Saro-Wiwa et ses compagnons. « Shell n’a aucunement encouragé ou soutenu un quelconque acte de violence contre eux ou les autres Ogonis, assure la multinationale dans une déclaration. Nous croyons que les preuves montreront clairement que Shell n’était pas responsable de ces événements tragiques. Shell a essayé de persuader le gouvernement de les gracier. A notre grand regret, cet appel, et celui de bien d’autres, n’a pas été entendu, et nous avons été choqués et attristés lorsque nous avons entendus la nouvelle. »

Poursuivre le combat de Saro-Wiwa

Le 23 avril dernier, le juge Kimba Wood a rejeté la requête de Shell qui faisait valoir que la justice américaine n’était pas compétente pour juger cette affaire. En 2000, la cour d’appel de New York avait déjà tranché que les poursuites étaient valides puisque l’un des plaignants résidait aux Etats-Unis et que Shell dispose de bureau dans la Grande Pomme.

L’exécution de Ken Saro-Wiwa avait provoqué un vif émoi chez la communauté internationale. Aujourd’hui encore, différents groupes se battent pour qu’il ne soit pas mort pour rien. L’organisation de défense de l’environnement Greenpeace suit le dossier de près et, sur la Toile, deux sites sont dédiés à Ken Saro-Wiwa : wiwavshell.org et remembersarowiwa.com.

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