Patrick Lozès : « Les stéréotypes de Tintin au Congo sont insupportables »

Dans un entretien à Jeuneafrique.com Patrick Lozès, le président du Conseil Représentatif des Associations Noires (Cran) basé en France, revient sur le sens de sa demande déposée ce jour auprès du ministère Français de la Culture afin d’ajouter un « avertissement aux lecteurs » dans l’album de Hergé « Tintin au Congo ».

Publié le 9 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Publié une première fois en 1931 alors que la Belgique colonisait le Congo (aujourd’hui République Démocratique du Congo), le second album de l’œuvre du dessinateur Belge, qui en compte 23, est critiqué pour ses relents racistes. La bande dessinée a déjà été retirée des chaînes de librairies Borders en Angleterre et aux Etats-Unis. L’ouvrage n’a pas été traduit par les éditeurs sud-africains de Hergé, Human & Rousseau.

Après avoir approché les éditions Casterman, le Cran demande dans un communiqué au ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, de se prononcer sur le sujet et « de prendre ses responsabilités ».

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Pourquoi demander un simple avertissement et ne pas viser l’interdiction de la diffusion de « Tintin au Congo »?

Notre but est avant tout pédagogique. Nous voulons attirer l’attention de la société française sur les clichés distillés et recyclés chaque jour dans des ouvrages destinés à la jeunesse. Il est de notre devoir de trouver des solutions républicaines à ces problèmes et non de nous attaquer à la liberté d’expression qui est une valeur fondamentale que nous respectons. Blanc, Black ou Beur, nous sommes, en tant que citoyens Français, en droit de nous interroger sur ce que ce pays laisse lire à ses enfants. C’est une démarche plus productive que la censure.

Même si, dans le cas présent, cette liberté d’expression permet de véhiculer des clichés pénalement répréhensibles ?

Il va de soit que nous nous organiserons en fonction de la réponse que les autorités nous apporteront. Car nous ne pouvons continuer à accepter l’image peu reluisante des Africains dans cet album. Je me tourne vers les autorités françaises afin qu’elles prennent leur responsabilité. L’actuel ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, est un homme avisé et ne peut être indifférent aux très nombreuses demandes de nos adhérents. Il doit maintenant se prononcer ouvertement sur cette question.

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Que reprochez-vous exactement à « Tintin au Congo » ?

Les Noirs y sont dépeints et traités comme de grands enfants incapables. Ils s’expriment dans un Français primaire moins clair que celui des animaux. Le chien Milou parle une meilleure langue. Tout au long de cette BD, les Noirs sont considérés comme des êtres inférieurs et affichent une soumission aux Blancs chargés de les instruire. C’est insupportable et indigne. Il y a des lois pour lutter contre cela. Hergé lui-même avait montré son embarras face à ce sujet. L’album remonte à l’époque coloniale mais il n’y a pas de prescription contre l’indignité. Encore une fois, nous privilégions le dialogue et la pédagogie.

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Que ferez-vous si vous n’êtes pas entendu ?

Je le dis sans ambages : dans une telle hypothèse toutes les actions seront envisageables.

Y compris une action en justice en vue d’une interdiction ?

Nous entamons aujourd’hui un dialogue mais je dis clairement que nous n’excluons strictement rien en cas de blocage.

Un additif sur l’album suffit-il à sensibiliser les jeunes lecteurs? En comprendront-ils le sens ?

Un simple avertissement ne suffira pas à interdire la diffusion. Notre objectif en creux est de poser la question de la dignité humaine et de sensibiliser. Est-ce que l’éditeur, les libraires et autres professionnels peuvent se regarder dans la glace en gagnant de l’argent sur un ouvrage aussi caricatural ?

Avant cette démarche, vous avez contacté l’éditeur Casterman. Que vous a-t-il répondu ?

Il a affiché une certaine compréhension, ce dont je me réjouis. Mais cela ne suffit pas. D’ailleurs, le blocage ne vient pas forcément de Casterman. Il y a bien d’autres intervenants, notamment la société Moulinsart SA (société belge chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre de Hergé, ndlr), dont on attend qu’elle prenne publiquement position pour que l’on puisse avancer sur ce problème qui blesse des millions de personnes à travers le monde.

Les "bonnes feuilles" de Tintin au Congo

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