La criminalité va-t-elle tuer le Mondial de football ?
Le niveau de criminalité ne faiblit pas en Afrique du Sud, actuellement en pleins préparatifs de la coupe du monde de football prévue en 2010. Pour garantir la sécurité des visiteurs, les autorités policières demandent plus de prérogatives, dont celle de pouvoir tuer à bout portant. Une exigence qui soulève un tollé au sein de l’opposition parlementaire et du milieu associatif.
La publication mardi dernier des statistiques de la police sud-africaine montre des taux de criminalité parmi les plus élevés au monde, ce qui inquiète, à mois d’un an de l’ouverture du Mondial de football. Le chef de la police sud-africaine, Nathi Mthethwa, a donc demandé que les statistiques soient immédiatement analysées à huis clos alors même que la Constitution requiert toute la transparence sur ce type de données, avant de publier l’intégralité des chiffres sur le site de l’institution (www.saps.gov.za).
18 148 meurtres en un an
Quand bien même ces chiffres auraient été modifiés lors de leur publication, ils demeurent très préoccupants. Si on observe des améliorations, entre avril 2008 et mars 2009, comme une baisse de 3% du nombre de meurtres et une diminution de 2,8% des crimes violents, le nombre total de crimes a augmenté de 0,2% à 2,1 millions dont 18 148 meurtres en un an. Les cas de harcèlements sexuels ont également augmenté de 10%. Les catégories qui ont connu le plus d’aggravation sont les vols à main armée, chez les particuliers (27,3% d’augmentation), et les vols de voiture (8% d’augmentation avec 15 000 incidents). Ces dernières données risquent d’inquiéter les fans de football qui, durant la coupe du monde, vont vraisemblablement louer des voitures pour se déplacer. Gauteng est la province la plus dangereuse du point de vue des crimes violents tandis que la partie nord du Cap est la plus sûre.
Droit de tuer pour les policiers
Les projets de la police nationale pour tenter de sécuriser l’événement sportif ne sont pas encore approuvés par tous. 41 000 nouveaux policiers sont en entraînement actuellement pour apporter un renfort aux 700 policiers déjà prévus afin d’assurer la sécurité autour des stades. Selon Nathi Mthethwa, le gouvernement serait prêt à voter pour une loi de « tolérance zéro ». Le nouveau chef de la commission nationale de la police Bheki Cele a, pour sa part, demandé que les policiers puissent avoir le droit de tuer à bout portant dans la rue, ce qui ne va pas sans provoquer la crainte d’un retour aux vieilles méthodes en vogue durant l’apartheid.
Surnommé le « cow-boy », Nathi Mthethwa est clair dans ses déclarations : « On est fatigués de mettre des documents comme la Constitution et la Charte des Droits de l’Homme devant le nez des criminels. On veut les affronter directement, et si cela veut dire qu’on les tue lorsqu’on leur tire dessus, qu’il en soit ainsi », a-t-il déclaré lors d’une interview dans le Guardian.
Protestation de l’opposition et des associations
Les opposants politiques et groupes de défense des libertés civiles ont immédiatement réagi. Dianne Kohler Barnard, parlementaire pour l’Alliance Démocratique répond qu’il vaut mieux augmenter le nombre de policiers et mieux les entraîner. « Tout le monde craint que les visiteurs soient blessés. Mais on ne veut plus redevenir un Etat policier », a-t-elle ajouté. En réponse aux critiques de Nathi Mthethwa, elle n’a pas hésité à rappeler que 538 policiers ont été jugés coupables l’an dernier de crimes allant du meurtre à la corruption en passant par le vol ou le viol. « On devrait y réfléchir à deux fois avant de donner à de telles personnes plus de pouvoir », souligne la députée.
Dans son éditorial du 22 septembre, l’édition sud-africaine du Times se dit également opposée aux propositions de la police. Selon le quotidien, le problème ne réside pas dans les législations, celles-ci autorisant déjà la police à user de la force, mais dans les ressources et la formation.
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