Une « journée sans immigrés » pour lutter contre l’ingratitude

Le 1er mars prochain, un collectif français entend démontrer par une action coup de poing le rôle essentiel des immigrés dans l’économie de l’Hexagone. « Par notre absence, nous voulons marquer la nécessité de notre présence », expliquent-ils.

Capture d’écran du site La Journée Sans Immigrés © D.R

Capture d’écran du site La Journée Sans Immigrés © D.R

Publié le 20 février 2010 Lecture : 3 minutes.

Le 1er mars prochain, le Collectif « La journée sans immigrés : 24 heures sans nous » (LJSI) appelle la population française à se mobiliser, sous la forme d’un boycottage de toute activité économique.

Pas d’immigrés au travail, pas d’immigrés dans les transports, pas d’immigrés non plus dans les magasins. Une manière de prouver par les chiffres que la France a besoin, pour croître et s’épanouir, de tous les membres qui composent sa société. Une manière aussi de frapper la France au porte-monnaie, le seul endroit qui fasse vraiment mal, pensent les militants du collectif.

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« Le 1er mars 2005 est entré en vigueur ‘le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile’ (CESEDA). Cette loi symbolise une conception utilitariste de l’immigration, choisie sur critères économiques. Nous ne pouvions trouver de meilleur jour pour appeler à une ‘journée sans immigrés’ », détaille le manifeste LJSI.

Un « great french boycott »

L’idée est venue un soir de septembre 2009 à un groupe de citoyens, immigrés ou non. C’était peu après la « sortie » de Brice Hortefeux lors de l’université d’été de l’UMP. Restée tristement célèbre depuis, la petite phrase du ministre de l’Intérieur parlant des Arabes (« Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ») a été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Tant il est vrai que « la plaisanterie »  s’inscrivait dans une lignée de discours politiques du même genre déjà entendus », dit Peggy Derder, vice-présidente du collectif LJSI et professeur d’histoire-géographie.

Cette action n’est pas sans rappeler celle du Great American Boycott, instiguée par la communauté hispanique des Etats-Unis. Le 1er mai 2006 (non férié aux USA), une masse considérable de sympathisants (entre 500 000 et un million, selon les estimations), avait renoncé à se rendre au travail, à l’école, à prendre les transports ou à acheter et vendre quoique ce soit. A la place, ils s’étaient rendus dans des manifestations pacifiques dans toutes les grandes villes américaines.

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« Démarche pédagogique »

 « Plus nous serons nombreux, mieux cela sera. Immigrés, enfants d’immigrés, citoyens militants… » Mais les organisateurs de LJSI ne se leurrent pas quant aux limites d’un tel projet. Beaucoup hésiteront à perdre une journée de salaire. Même pour la bonne cause. « Pour autant, de nombreuses personnes, de tous horizons sociaux, du chauffeur de taxi au médecin libéral en passant par le petit vendeur, nous ont confirmé avoir posé une journée de RTT ou de congé sans solde, ou ont prévu de fermer boutique pour l’occasion. » Pour les autres, il sera toujours possible de venir assister aux rassemblements organisés devant l’Hôtel de Ville à Paris et devant les mairies de France, à l’heure de la pause déjeuner.

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L’association a relayé son combat sur la Toile, où Facebook a joué un rôle crucial, permettant de rassembler plus de 64 000 sympathisants. « Le virtuel est formidable pour créer la rencontre. Mais l’action de terrain est indispensable pour la démarche pédagogique, afin d’expliquer notre pensée », estime Peggy Derder, qui cite les distributions de tracts, les conférences de presse ou le concert de soutien organisé avec des chanteurs et des rappeurs fin janvier.

Et si, le 1er mars, les manifestants ne sont pas au rendez-vous ? « C’est la prise de conscience que cela peut générer qui nous importe le plus. Nous souhaitons créer une véritable dynamique d’engagement. Quoiqu’il se passe, il y a une réflexion qui naîtra de notre mobilisation. Le fait que la journée en soi existe, c’est déjà une réussite et la preuve d’un intérêt certain pour cette cause » affirme la vice-présidente du collectif.

Impact politique

En attendant le jour J, l’idée a déjà fait mouche. Séduites pas le projet, la Grèce, l’Italie et l’Espagne ont emboîté le pas à LJSI, programmant le même jour, une journée sans immigrés. Et le 1er mars, une délégation allemande sera présente à Paris.

L’association s’en réjouit : « la réaction européenne est un gros plus. Nous espérons maintenant une prise de conscience des pouvoirs publics ».
Même si LJSI ne se réclame d’aucun parti politique et tient à son indépendance, le débat devra nécessairement être porté dans la sphère politique s’il veut déboucher sur du concret. « Cela se fera à l’initiative des citoyens, ce n’est pas incompatible avec notre modèle. Mais nous n’avons pas de revendication, notre problématique va au-delà. Ce que nous voulons, c’est faire entendre une voix, mettre l’accent sur l’apport indispensable de l’immigration, depuis le 19e siècle, pour notre pays. »

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