Forum de Bamako : l’État en première ligne pour éviter les famines
Après quatre jours de débats, les participants du 10e Forum de Bamako ont estimé que les État africains devaient être les moteurs de l’agriculture. Mais ils ont également condamné la libéralisation à marche forcée dont le continent est l’objet depuis une vingtaine d’année.
« L’Afrique peut nourrir ses propres enfants », avait déclaré le Premier ministre malien, Modibo Sidibé, lors de l’ouverture du 10ème Forum de Bamako, le 16 février. Mais il lui faudra pour cela en finir avec l’inertie et les programmes imposés par les bailleurs de fonds, ont conclu en substance les participants.
Retard africain
Tout au long des débats qui ont marqué un Forum consacré cette année à la faim en Afrique, et qui entend devenir « une source d’inspiration » pour les dirigeants africains, les experts ont démontré le retard pris par le continent en matière de sécurité alimentaire. Engrais, rentabilité, productivité… Dans tous les domaines, la plupart des pays africains sont à la traîne.
Le Forum a été l’occasion de constater que l’Afrique avançait péniblement alors qu’au même moment, l’Asie devenait au fil des ans une puissance agricole de premier plan. Aujourd’hui, 4% des terres sont irriguées sur le continent africain, contre 20% en Asie. Sur un milliard de personnes souffrant de la faim dans le monde, 265 millions vivent en Afrique.
En cause : les phénomènes naturels, mais aussi – et surtout, ont tenu à rappeler les participants du Forum – les comportements humains. Les crises politiques et les conflits armés, la « mauvaise gouvernance », le libéralisme imposé depuis les années 80 via les programmes d’ajustement ont été pointés du doigt. « Aujourd’hui, alors que tout le monde parle de réguler l’économie, on continue de vouloir libéraliser le système agricole », s’est insurgé Philippe Vasseur, ancien ministre français de l’Agriculture.
Cela n’a pas échappé aux participants : les Etats africains qui consacrent 10% de leur budget dans l’agriculture – un objectif qu’ils s’étaient eux-mêmes assignés après la crise alimentaire de 2008 – sont très peu nombreux.
Faire de l’agriculture une priorité
La première des recommandations que les organisateurs du Forum ont remis samedi 19 février au président du Mali, Amadou Toumani Touré, découle de ce constat : il conviendra d’assigner à l’agriculture une mission de service public en vue d’une dotation budgétaire conséquente. Il faudra aussi financer l’agriculture, élaborer une loi foncière sécurisante afin d’amener les Africains à investir davantage dans le secteur agricole, promouvoir l’emploi non agricole dans les zones rurales, développer la recherche et la formation des cadres…
« L’Etat doit reprendre ses droits sur un secteur prioritaire », notait un des organisateurs lors de la clôture du Forum, le 19 février au matin. Les expériences de la Chine, des Etats-Unis et de l’Union européenne, étudiées lors des différentes sessions, « ont montré que chacun de ces pays ont pu promouvoir leur développement économique et social et leur sécurité alimentaire en faisant de l’agriculture le fer de lance de leur développement ». La mondialisation a elle rappelé que sans Etats forts, « le marché pouvait, à force de spéculations, aboutir à des catastrophes ».
L’exemple du Malawi devrait ainsi servir de modèle, ont estimé les participants. « Il y a quelques années, ce pays était en grande difficultés », a expliqué Habib Ouane, directeur du département Afrique à la CNUCED. « Il a pris des mesures drastiques qui allaient à l’encontre du FMI : subventions ciblées, encadrement du monde paysan, aide à l’obtention de crédits et d’engrais… Aujourd’hui, le Malawi est un exportateur net de céréales et s’est même permis le luxe d’accorder une aide à ses voisins. »
Les atouts ne manquent pas, rappelle la déclaration finale du Forum : de grandes potentialités (eau, terres, gaz…), une population jeune et des exemples de réussite comme celle du Malawi, ou encore de la Tanzanie, du Rwanda. « C’est à nous de nous prendre en main », a conclut le Premier ministre malien devant une centaine de participants représentant une quinzaine de pays du monde entier – essentiellement de l’Afrique francophone.
Si la plupart ont parlé d’un succès, certains n’ont pas caché leur scepticisme en regrettant l’absence remarquée des acteurs privés et de représentants des diasporas. « Qui transforme ? Qui conserve ? Si ce n’est le secteur privé… », a remarqué un participant.
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