Les Shebab ou le spectre d’Al-Qaïda en Afrique de l’Est
Depuis 2006, le groupe djihadiste somalien ne cesse de monter en puissance malgré l’intervention de la mission de l’Union africaine. Aujourd’hui, les Shebab semblent en mesure de frapper à l’étranger.
Mis à jour le mardi 13 juillet 2010 à 8h36
Avant même que les Shebab ne revendiquent le double attentat de Kampala, qui a fait 74 morts dimanche soir, d’après un bilan officiel provisoire, ils étaient accusés par les autorités ougandaises.
Cette réaction de Kampala prouve que ces milices inquiètent désormais toute la région. Le groupe était à l’origine un mouvement de jeunesse (Shebab signifie « les jeunes » en langue arabe) affilié à l’Union des tribunaux islamiques (UTI) somaliens, qui s’était emparé du pouvoir à Mogadiscio en 2006.
Faible mobilisation de l’Amisom
L’UTI a été chassée du pouvoir par l’intervention de l’armée éthiopienne fin 2006. Mais, tandis que ses chefs s’exilent, les combattants restés en Somalie pour lutter contre cette armée "d’infidèles" (l’Éthiopie est majoritairement chrétienne-orthodoxe même si les musulmans constituent une très importante minorité) s’unissent sous la bannière des Shebab.
La Somalie devenue un bourbier pour son armée, l’Éthiopie décide finalement de se retirer après une intervention de plus de deux ans. La force déployée par l’Union africaine (Amisom) depuis mars 2007, avec pour objectif initial de rassembler plus de 8 000 soldats, est censée prendre le relai pour soutenir le fragile gouvernement de transition de la Somalie.
Au départ de l’armée éthiopienne, l’Amisom ne compte que 3 400 hommes. Aujourd’hui, elle serait composée d’environ 5 000 soldats ougandais et burundais, mais on est encore loin des promesses initiales. Entre temps, la force de l’UA n’a pas pu contenir la montée des Shebab. Ceux-ci renforcent leur emprise sur la Somalie et acculent le gouvernement provisoire, qui ne contrôle qu’une petite partie de la capitale.
Dissensions
En octobre 2008, le groupe dirigé par Mohamed Abdi Godane, alias Abou Zubaïr (un religieux natif du Somaliland) franchit un cap en organisant des attaques-suicides simultanées dans les deux régions du Nord du pays qu’il ne contrôle pourtant pas.
À partir de 2009, des combattants djihadistes venus d’autres pays pour se joindre aux Shebab commencent à investir le pays. Il semble que cet afflux, qui inquiète particulièrement les États-Unis, n’est pas complètement maîtrisé par les Somaliens. Fin 2009, un attentat-suicide, mené lors d’une cérémonie de remise de diplômes, coûte ainsi la vie à plusieurs ministres du Gouvernement fédéral de transition (GFT) et provoque un débat interne au sommet de l’organisation entre « étrangers » et Somaliens.
Combattants shebab au nord de Mogadiscio, le 1er janvier 2010 (AFP)
La ligne dure semble l’avoir emporté. En février 2010, les agents du Programme alimentaire mondial (PAM) ont dû faire face à un refus d’accès aux populations car ils « n'[ont] pas rempli les conditions » posées par les Shebab.
80% de la Somalie sous contrôle
Aujourd’hui, les Shebab contrôleraient environ 80 % de la Somalie et seraient en mesure de mobiliser 7 000 hommes, dont 3 000 réellement aguerris. Le 5 juillet, les pays de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad, regroupant, outre la Somalie, Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Kenya, le Soudan et l’Ouganda) s’étaient mis d’accord pour déployer rapidement 2 000 hommes supplémentaires. Le même jour, les Shebab avaient appelé les Somaliens à chasser Ougandais et Burundais du pays.
Le double attentat de Kampala, attribué aux Shebab par le gouvernement ougandais (même s’ils ne l’ont pas revendiqué) est l’attaque terroriste la plus meurtrière dans la région depuis celles d’août 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et Dar es-Salaam (Tanzanie). Celles-ci, revendiquées par Al-Qaïda, ont fait plus de 200 morts.
Plusieurs djihadistes recherchés pour les attentats de 1998, dont le Comorien Fazul Abdullah Muhammad, ont été repérés en Somalie ces dernières années. Fazul Abdullah Muhammad occuperait désormais un poste important dans la hiérarchie des Shebab. (avec AFP)
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