Indice de développement humain du Pnud : Rabat a du mal à s’y faire
Classé 114e par le Programme des Nations unies pour le développement, dans son rapport 2010 sur le développement humain dans le monde, le Maroc reste déçu par un tel rang. Surtout après ses efforts fournis pour lutter contre la pauvreté. Explications.
L’Indice de développement humain (IDH) a été créé en 1990 pour distinguer la création de richesse dans un pays et le progrès des conditions de vie de sa population. Jusqu’à présent, il prenait en compte trois critères : le PIB par habitant, le taux d’alphabétisation et l’espérance de vie.
À l’époque de sa création, l’IDH était novateur, intégrant des données sociales et sanitaires à une vision du développement jusque-là purement économique. Décidé à être le plus rigoureux possible, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) présente désormais un IDH revisité, avec des critères reflétant mieux la réalité, comme la scolarisation réelle par exemple.
Mais cela n’a pas suffi à faire sortir le Maroc de la catégorie « moyen » du classement. D’où les critiques virulentes du royaume chérifien à l’encontre du Pnud depuis 2008.
Malgré le plan royal
« Je ne tire aucun enseignement de notre rang », a tranché le Haut-commissaire au Plan Ahmed Lahlimi, lors du Forum sur le développement humain qui s’est tenu à Agadir les 1 et 2 novembre. « C’est un outil statique et pas dynamique. L’économie nationale y a trop de place : un pays rentier peut parfaitement augmenter ses revenus sans améliorer le moins du monde la situation de ses habitants. L’IDH a atteint ses limites. »
Côté marocain, la déception est d’autant plus amère que sur la période 2005-2010, le Maroc fait partie des 10 pays qui ont le plus progressé en matière d’IDH. Cinq années qui correspondent à la première phase de l’Initiative nationale du développement humain (INDH) doté d’un milliard d’euros. Ce plan royal a fait reculer la pauvreté trois fois plus vite dans les communes qu’il a touchées que dans les autres, entre 2004 et 2007.
« Je comprends le mécontentement des Marocains », tempère Milorad Kovacevic, statisticien au Bureau du développement humain du Pnud. « Mais l’IDH est un outil de long terme, pour tous les pays du monde. Le Maroc a progressé mais il part de loin, donc il faut être patient. Les résultats de ses efforts seront sûrement visibles d’ici 5 à 10 ans dans un classement international. D’autre part, le Pnud n’a pas le monopole des statistiques ; nous encourageons le Maroc à poursuivre ses propres méthodes d’évaluation de ses besoins. »
Pertinence des données
Marocains et Onusiens reconnaissent que la multiplication et le recoupement des indices est une bonne chose. Pour améliorer les indicateurs internationaux, une multitude d’autres critères ont d’ailleurs été suggérés au Forum d’Agadir. En Thaïlande, on développe un indice de la protection sociale. Alice Keirouz Sleiman, experte libanaise du développement humain, suggère d’approfondir un indice consacré à la pauvreté des enfants, traditionnellement plus forte que celle des adultes. Au Sénégal, c’est la distance d’un village à une série de services qui a été retenue – faute de moyens suffisants pour effectuer une enquête plus large.
L’établissement de données fiables est coûteux : 118 pays sont incapables de fournir eux-mêmes des statistiques au Pnud. Le Maroc, quant à lui, a déployé d’importants moyens pour rendre efficaces et indépendantes ses institutions de recueil d’informations chiffrées.
Depuis quelques années, des organismes tel que l’Office national du développement humain (ONDH) ont vu le jour et s’attachent à multiplier les propositions pour établir des politiques publiques plus adaptées aux spécificités du Maroc : études de panels de ménages, choix de la consommation plutôt que du PIB comme indicatif économique, élaboration de nouveaux outils, comme le concept de « croissance pro-pauvres » ou « l’indice du niveau de vie », création de questionnaires pour évaluer la perception de la pauvreté qui est plus une donnée qualitative que quantitative…
Ces outils nationaux sont aussi importants pour la communication du royaume, mais ils ne permettront pas d’influencer de sitôt le puissant classement du Pnud. L’agence onusienne ne consulte pas directement les pays pour modifier ses indicateurs, préférant travailler avec les bureaux nationaux.
Comme l’indiquait à Agadir le ministre palestinien du Plan et du Développement administratif, Ali al-Jarbaoui, les indicateurs constituent un grand enjeu pour les États. « Les chiffres ne sont jamais innocents. Ils ne laissent jamais indemnes », a-t-il rappelé.
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