Un désordre social sans précédent

Les grèves et manifestations se multiplient en Tunisie, où un nouveau suicide s’est produit. Les autorités ont par ailleurs tenté de circonscrire la colère de la jeunesse, essentiellement relayée par internet, en arrêtant trois blogueurs militants.

Heurts entre manifestants et forces de sécurité, le 27 décembre 2010 à Tunis. © AFP

Heurts entre manifestants et forces de sécurité, le 27 décembre 2010 à Tunis. © AFP

Publié le 7 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

L’agitation – née il y a trois semaines à Sidi Bouzid, après deux suicides liés à la situation socioéconomique – n’est pas près de retomber en Tunisie. La fronde sociale a envahi la rue, avec les grèves et manifestations de lycéens et d’avocats, mais aussi la Toile, où les cyberattaques contre le gouvernement ont déclenché une riposte des autorités. Les gestes désespérés se propagent aussi : un nouveau suicide et deux tentatives avortées sont venus s’ajouter à la triste liste des faits divers recensés ces dernières semaines.

L’enterrement de la première victime, Mohamed Bouazizi, a accru la tension à Sidi Bouzid. Ce jeune vendeur qui s’était immolé par le feu après s’être fait confisquer sa marchandise par les autorités est désormais le symbole d’une population en crise. Le lendemain de l’inhumation, la plupart des lycées et collèges de la ville étaient en grève et le mouvement continue de s’étendre à d’autres régions tunisiennes.

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À Jbeniana, près de Sfax, ou encore à Thala, la police est intervenue ces deux derniers jours pour disperser différents mouvements de contestation. 

"Acte politique"

Des milliers d’avocats ont aussi observé une grève, jeudi 6 janvier, pour dénoncer la répression le 31 décembre d’une manifestation de solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid, selon le bâtonnier Abderrazak Kilani. D’autres avocats cependant, ceux du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir du président Zine el-Abidine Ben Ali), ont dénoncé un « acte politique » contre le gouvernement.

Mais la détresse de la population est bien réelle. Un troisième suicide est à déplorer, un homme s’étant donné la mort à Chebba. Âgé de 52 ans, Mohamed Slimane, père de deux fils diplômés de l’université mais sans emploi, s’est pendu. L’homme était malade et aurait désespéré de recevoir une aide pour se soigner et nourrir sa famille.

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À Regueb, près de Sfax, un jeune a menacé de se donner la mort par électrocution pour dénoncer la corruption et l’inégalité face à l’emploi, et un autre s’est immolé à Metlaoui, un zone minière ayant connu des troubles en 2008. Il a été hospitalisé.

Trois blogueurs et un rappeur arrêtés

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Les autorités qui continuent de dénoncer une instrumentalisation des événements par l’opposition, ont décidé de frapper fort pour montrer leur détermination à ne pas fléchir dans ce bras de fer avec le peuple.

Après les piratages informatiques dont ont été victimes plusieurs sites officiels du gouvernement, ainsi que celui de la banque Zitouna notamment, les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation jeudi de deux blogueurs activistes, Slim Amamou et El Aziz Amami, connus pour leur engagement contre le contrôle de l’information en Tunisie. Reporters sans frontières (RSF) a également dénoncé l’arrestation du blogueur et militant Hamadi Kaloutcha tôt jeudi matin, et dont on est toujours sans nouvelles.

Aucune source gouvernementale n’a pu pour l’instant confirmer ces arrestations, mais elles semblent intervenir en représailles au soutien apporté par la blogosphère tunisienne à la cyberattaque orchestrée par le groupe des Anonymous. Lesquels sont réputés pour leur combat en faveur de la liberté d’expression sur internet à travers le monde et pour leur soutien affiché à WikiLeaks.

Autre interpellation, celle du rappeur tunisien Hamada Ben Amor, dit « Le Général ». Il est l’auteur d’un rap intitulé Président, ton peuple est mort diffusé sur internet, devenu un espace d’expression pour des milliers de jeunes tunisiens notamment sur Facebook et Twitter.

« Ce n’est pas en arrêtant quelques blogueurs que les images des manifestations disparaîtront de la Toile et que les cyberattaques cesseront », a déclaré RSF, qui demande aux autorités « de les libérer dans les meilleurs délais ». (Avec AFP)

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