Plus de 50 morts à Kasserine, manifestations pacifiques réprimées à Tunis
Les manifestations que connaît la Tunisie depuis plus de trois semaines ne diminuent pas d’intensité. À Tunis, mais aussi dans le nord du pays, dans le centre et le centre-ouest, des rassemblements ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre. Mais c’est à Kasserine, où les émeutes auraient fait plus 50 morts depuis trois jours, que la situation est la plus dramatique.
À Kasserine, chef-lieu du centre-ouest de la Tunisie (à 290 km au sud de Tunis), la situation serait totalement catastrophique après trois jours d’émeutes, selon des sources syndicales. « C’est le chaos à Kasserine après une nuit de violences, de tirs de francs-tireurs, de pillages, de vols de commerces et de domiciles, par des effectifs de police en civil qui se sont ensuite retirés », a indiqué un témoin. « Le nombre de tués a dépassé les cinquante », a précisé cette source, qui cite un bilan établi par le personnel médical de l’hôpital régional de Kasserine.
Sous couvert de l’anonymat, un fonctionnaire local a lui aussi décrit « une situation de chaos » dans la ville, et confirmé des tirs sur des cortèges funèbres provenant de snipers embusqués sur les toits et de membres des forces de police.
Manifestations dans toute la Tunisie
La situation serait telle que le personnel médical de l’hôpital de Kasserine s’est résolu à débrayer durant une heure pour protester contre la violence de la répression et le nombre élevé de victimes, a ajouté le fonctionnaire, qui décrit des « cadavres éventrés, à la cervelle éclatée ». Selon un autre témoignage, un homme de 75 ans et son épouse ont été tués mardi dans le quartier Ezzouhour alors même qu’ils allaient enterrer leur enfant.
Des images des violences et des morts de l’hôpital de Kasserine se sont répandues sur internet, grâce notamment à Facebook, où les appels à manifester ont été massivement relayés. Des mobilisations ont eu lieu dans plusieurs villes du centre, du sud-ouest mais également dans le nord à Bizerte (60 km de Tunis) et dans le centre de la capitale, où des amorces de protestations d’artistes et d’opposants ont été violemment réprimées.
« Le rassemblement (des artistes) devait se tenir à midi pour dénoncer la violence et l’usage excessif des armes dans le centre du pays », a indiqué un homme de théâtre, Fadhel Jaibi. « Nous voulions exprimer pacifiquement notre colère et notre indignation », a-t-il expliqué, alors que la police le refoulait sur l’avenue centrale Habib Bourguiba.
Brutalités policières
Parmi les protestataires, les comédiennes Raja Amari et Sana Daoud ont été frappées par des policiers en uniforme et en civil, présents en grand nombre. « Honte à vous ! », a crié Sana Daoud, en direction des policiers, alors que sa consœur était jetée à terre. « Ils nous étouffent, c’est notre droit de manifester », s’est écrié Jalila Baccar, comédienne et réalisatrice.
Mokhtar Trifi, le président de la Ligue des droits de l’Homme (LTDH) a dénoncé « un comportement insensé, criminel » de la part des autorités et a indiqué que l’un des dirigeants de la ligue, Abdelatif Biri, avait été « sauvagement agressé » dans le centre de Tunis. Une autre manifestation prévue à l’appel de l’opposition a été également étouffée par les forces de l’ordre dans le centre de la capitale.
« Nous voulons dire au régime d’arrêter de tuer les gens », a déclaré Me Radia Nasaroui qui fait état de brutalités contre des avocats venus manifester, selon elle, autour de la statue Ibn Khaldou, devant cathédrale de Tunis.
En France, l’indignation gagne du terrain
En France, l’indignation sur la violence de la répression commence à se répandre après que l’Union européenne a haussé le ton contre Tunis. Pour la Ligue des droits de l’Homme (LDH), « le silence complice des autorités politiques françaises actuelles n’est en rien représentatif de l’indignation qui s’étend dans la société française ». Mais même le président du groupe d’amitié France-Tunisie au Sénat, le socialiste Jean-Pierre Sueur, a commencé à sortir de son silence. Il a dénoncé dans un communiqué « la répression violente » contre les manifestants.
« Il y a un moment où l’amitié doit se traduire par un langage de vérité », a-t-il expliqué, estimant en particulier que la lutte contre une éventuelle menace islamiste ne peut justifier des violations des libertés. « Ce n’est pas un argument pertinent », dit-il. Quant au maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, né à Tunis et propriétaire d’une maison dans la ville de Bizerte (nord), il a fait savoir qu’il était « soucieux » de la situation en Tunisie. (Avec AFP)
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