À cause de la répression, le ministre libyen de la Justice démissionne
Le journal libyen Kourina a annoncé la démission du ministre libyen de la Justice, Moustafa Mohamed Aboud al-Djeleil, qui condamne le « recours excessif à la violence contre les manifestants » au moment où Human Rights Watch a établi un bilan de 233 morts. Les protestations gagnent du terrain et touchent désormais Tripoli.
Moins d’une semaine après la « Journée de la colère » de jeudi, le gouvernement de Mouammar Kadhafi vient de connaître sa première défection. Le ministre libyen de la Justice a donné sa démission, selon le journal Kourina. Et les raisons de son départ sont claires : la répression sauvage des manifestations dans le pays.
L’ONG Human Rights Watch indique qu’au moins 233 personnes ont été tuées depuis le début des mouvements de contestation, dont 60 pour la seule journée de dimanche à Benghazi au nord-est du pays.
Depuis dimanche, les violences ont gagné la capitale qui était restée jusque-là hors du sillon des manifestations. Selon Reuters, plusieurs dizaines de manifestants sont morts à Tripoli dimanche, des snipers auraient notamment tiré sur la foule depuis les toits des immeubles gouvernementaux.
Menaces du fils
Face aux mouvements de protestatation qui ne désemplissent pas, le fils du « Guide », Seif el-Islam Kadhafi, a menacé la population de répondre à ses revendications par un bain de sang.
Inflexible face à la révolte, le fils du dictateur a prévenu à la télévision dans la soirée du dimanche, « nous combattrons jusqu’à la dernière balle ». Dans son allocution Seif el-Islam est sans équivoque : « La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd’hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts mais des milliers, et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye. »
En matière de réforme, il a déclaré que le Congrès général du peuple (le Parlement) décidera bientôt d’un nouveau code pénal et votera de nouvelles lois avec des « perspectives de liberté » pour la presse et la société civile, ainsi que l’ouverture d’un dialogue sur l’élaboration d’une Constitution.
Seif el-Islam a lancé un dernier ultimatum à la population avant de recourir aux armes. « Nous ne lâcherons pas la Libye et nous combattrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme et jusqu’à la dernière balle. »
La révolte gagne du terrain
Les émeutes ont gagné Tripoli depuis dimanche, et plusieurs villes sont tombées aux mains des protestataires.
Selon des Tunisiens interrogés par l’AFP à la frontière, la police libyenne a déserté dimanche Zaouia, située à 60 km à l’ouest de Tripoli, qui est depuis livrée au chaos.
« Il y a des affrontements entre pro et anti-Kadhafi depuis deux jours et la police a quitté la ville dimanche midi. Depuis hier, tous les magasins sont fermés, une maison de Kadhafi a été brûlée. Des gens ont volé les voitures de policiers, il y a des braquages sur les routes », a raconté Omar Dhawadi, un coiffeur âgé de 30 ans, dont les propos ont été confirmés par une dizaine de personnes.
Dans la capitale, selon des témoins contactés lundi par l’AFP, les sièges de la télévision et de la radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants. Des postes de police et des locaux des comités révolutionnaires ont également été incendiés.
Directeur du bureau de Human Rights Watch à Paris, Jean-Marie Fardeau analyse la situation en affirmant que « la population libyenne est prête à risquer sa vie pour voir ses revendications aboutir ».
Inquiétudes sécuritaires et économiques
Face au chaos qui s’installe, les Européens préparent des évacuations. « Nous sommes extrêmement préoccupés, nous coordonnons l’évacuation éventuelle des citoyens de l’Union européenne de Libye, en particulier de Benghazi », a déclaré lundi la ministre espagnole des Affaires étrangères Trinidad Jimenez, en marge d’une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles.
Deux avions militaires, portugais et autrichien, étaient en route pour Tripoli afin de rapatrier leurs ressortissants mais aussi les citoyens d’autres pays de l’Union européenne (UE).
La France a encouragé ses 751 ressortissants à rentrer, même si elle estime qu’ils ne font pour le moment l’objet d’aucune menace directe.
Des discussions sont en cours à Bruxelles afin d’envisager une position commune de l’UE face aux problèmes des expatriés, a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.
Du côté de l’industrie, des entreprises comme BP, les groupes italiens ENI et Finmeccanica, la compagnie pétrolière Statoil, ont décidé de rappeler leurs salariés.
Parce que la Jamahiriya est le quatrième producteur de pétrole en Afrique et un membre important de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l’embrasement en Libye ne peut rester sans conséquences sur les prix des matières premières énergétiques. Le cours du pétrole a dépassé les 105 dollars (environ 77 euros) le baril à Londres, un niveau jamais vu depuis fin septembre 2008. (Avec agences)
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