Côte d’Ivoire : le casse-tête des nationalisations bancaires
Comment le gouvernement Gbagbo tente-t-il de remettre sur pied le système bancaire de Côte d’Ivoire, malgré la rupture avec la BCEAO ? Les difficultés techniques et humaines sont énormes. Mais la question est vitale pour le régime de Laurent Gbagbo.
« Révoltons-nous s’il vous plaît ! » Katina Koné, ministre du Budget de Laurent Gbagbo, ne s’adresse pas à une foule de militants passionnés, mais à une assemblée de cadres de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie en Côte d’Ivoire (Bicici), filiale de la Banque nationale de Paris (BNP), fermée jusqu’à nouvel ordre. Pour gagner le pari de la nationalisation de la Bicici mais aussi de la Société générale de banque de Côte d’Ivoire (SGBCI), filiale ivoirienne de la Société générale, le gouvernement dirigé par Gilbert Aké N’Gbo veut s’appuyer de manière prioritaire sur le personnel ivoirien de ces institutions financières.
Succès relatif : si plusieurs centaines de salariés de la Bicici ont répondu présents, ceux de la SGBCI sont bien plus timides. « Ceux qui sont venus nous rencontrer disent qu’ils subissent de grosses pressions », affirme un conseiller ministériel. Depuis lundi, les équipes du ministère de l’Économie et des Finances, accompagnées d’une partie des salariés, prennent possession des sièges sociaux des deux banques, les principales du pays. Avant de s’attaquer, « de façon programmée », aux principales agences de la ville d’Abidjan.
« Question de détermination »
Objectif : faire un état des lieux général et rendre possible une réouverture au grand public, prévue pour la fin de la semaine. Mais les obstacles sont nombreux. Comment relancer les opérations alors que les incontournables systèmes d’information des deux banques, qui dépendent pour partie des maisons mères à Paris, sont désormais désactivés, à l’image du système de compensation de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ? « Les modalités techniques ne doivent pas être des obstacles bloquants. La détermination est la question essentielle », a répondu Katina Koné à jeuneafrique.com
« Nous comptons sur les informaticiens de ces banques. Ils vont chercher à reconstituer les systèmes informatiques qui ne marchent effectivement pas », nous a confié un de ses collaborateurs. Antoine Adou Kouao, directeur des ressources humaines de la Bicici, dit de son côté s’en remettre « aux équipes du ministère », tout en précisant que l’encadrement de la banque est « dans la dynamique de l’ouverture ». Mais pour l’instant, le système financier de Côte d’Ivoire est quasiment à l’arrêt.
Le salaire des fonctionnaires comme enjeu
Sept banques sont en activité sur 20. Parmi elles, seule la Banque nationale d’investissement (BNI), entièrement étatique et visée par les sanctions de l’Union européenne, peut être considérée comme une institution d’envergure, malgré la « disparition » de son directeur général, Victor Nembelessini Silué, aussitôt remplacé par un de ses adjoints, Eugène Amonkou Ossey.
Les transferts d’argent express sont, eux aussi, profondément perturbés par la crise. Les agences de Western Union sont fermées, tandis que quelques agences de Moneygram sont ouvertes, mais se contentent de traiter les retraits de fonds. Les sanctions financières rendent impossible tout envoi à l’étranger.
L’enjeu politique principal lié à ces convulsions financières est clair dans tous les esprits : les salaires des fonctionnaires. Seront-ils payés en cette fin de mois de février ? Une cellule a été mise en place « pour les réaffecter sur les banques en activité », a indiqué Désiré Dallo, ministre de l’Économie et des Finances de Laurent Gbagbo. Les agents de l’État « subiront quelques petits désagréments compte tenu du nombre élevé de personnes à traiter en si peu de temps par le Trésor public et les banques en activité », a-t-il averti.
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