Inquiétude des autorités camerounaises et angolaises après les appels à manifester de l’opposition

Le vent de la révolte commencerait-il à souffler au sud du Sahara, après avoir déraciné plusieurs dictatures maghrébines ? Pour l’instant ce n’est peut-être qu’une simple brise, mais les autorités angolaises et camerounaises la prennent très au sérieux. On n’est jamais trop prudent…

Le président camerounais Paul Biya restera-t-il en place en 2011 ? © AFP

Le président camerounais Paul Biya restera-t-il en place en 2011 ? © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 23 février 2011 Lecture : 3 minutes.

En Angola, un appel anonyme « à marcher dans tout l’Angola pour exiger le départ de "Zédu" [surnom du président José Eduardo dos Santos], de ses ministres et ses compagnons corrompus » circule sur internet depuis plusieurs jours. Il appelle à un rassemblement dans la nuit du 6 au 7 mars 2011 à minuit sur la place de l’indépendance à Luanda et dans le reste du pays contre le pouvoir en place depuis 1979, soit plus de 31 ans.

Repris par plusieurs sites, l’appel à manifester est signé du pseudonyme « Agostinho Jonas Roberto Dos Santos », c’est-à-dire des prénoms des leaders des trois mouvements de l’indépendance accolés au nom de famille de l’actuel président. Mais aucune personnalité de la société civile ni de l’opposition ne s’y est publiquement rallié. Seul un groupe Facebook s’est créé pour l’occasion, et il ne compte pour l’instant pas plus d’une centaine de membres.

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"Le pouvoir n’est pas dans la rue"

Il n’en fallait pas moins cependant pour inquiéter les autorités angolaises, même si le directeur de l’information du Mouvement populaire pour la libération d’Angola (MPLA, au pouvoir), Rui Falcao Pinto de Andrade, n’a pas souhaité commenter un mouvement qu’il ne considère pas comme une « chose sérieuse ». Mais dimanche dernier, le secrétaire général du MPLA Julião Mateus Paulo Dino Matross, a tenu à calmer les esprits lors d’un entretien sur les ondes de la radio publique. « Il ne faut pas confondre ce qui se passe dans les pays du Maghreb avec la réalité angolaise », a-t-il prévenu. Allant jusqu’à menacer de prendre « des mesures sérieuses » s’il y avait des manifestations car, selon lui, « le pouvoir n’est pas dans la rue ».

Mais c’est au Cameroun que le pouvoir a le plus de raisons de s’inquièter des appels à manifester lancés – publiquement cette fois – par plusieurs membres de l’opposition. Ainsi, Mboua Massock et une organisation de la diaspora camerounaise en France ont appelé les Camerounais à entrer en « révolution » dès mercredi contre le régime de Paul Biya, 78 ans (dont 29 au pouvoir).

Une autre opposante, Kah Walla, candidate déclarée à la présidentielle prévue en 2011, souhaite que les Camerounais se mettent « tous en rouge » mercredi pour dire à Biya que « ça suffit ». « Trop d’élections truquées ! Trop de jeunes au chômage ! Trop de tracasseries pour les débrouillards ! Trop de promesses non tenues ! », affirme-t-elle dans son appel. Des tracts anonymes véhiculant ces mots d’ordre ont été distribués dans plusieurs villes.

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Enfin, par un hasard de calendrier qui pourrait être explosif, un rassemblement pacifique de l’opposition (notamment du Social Democratic Front, SDF) est prévu également ce mercredi à Douala doit débuter une « semaine des martyrs ». Il a pour but de commémorer les victimes de la révolte de février 2008 contre la cherté de la vie et la suppression de la limitation des mandats présidentiels. Une mobilisation réprimée dans le sang par la police et l’armée, faisant alors 40 personnes selon le bilan officiel, 139 d’après des ONG locales.

Climat social tendu

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Ici comme en Angola, le pouvoir a tenu à prévenir les contestataires de tous poils. « Le désordre voulu par ces illuminés n’arrivera pas », a réagi mardi le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, lors d’une intervention sur la radio d’État. « Les amoureux de cette nation sont beaucoup plus nombreux, déterminés et plus forts que ceux qui font de l’agitation », a-t-il ajouté.

La nervosité du gouvernement est palpable, d’autant que le Cameroun, miné par la corruption, connaît un contexte social difficile, un climat économique sclérosé et une ambiance politique très tendue. Et Paul Biya reste muet sur ses intentions de se présenter ou nom à la présidentielle prévue cette année, mais dont il n’a toujours pas fixé la date.

« Les Camerounais sont fatigués d’un régime qui est incapable d’apporter des solutions à leurs problèmes depuis 30 ans », estime Alain Fogué, politologue et enseignant d’université. « Les gens sont excédés : le chômage est endémique, le pouvoir d’achat des ménages est extrêmement faible et les gens, y compris les travailleurs, peinent à manger », ajoute-t-il.

Il règne dans le pays « une certaine nervosité en raison de la multiplicité des tensions sectorielles », confirme un autre politologue universitaire, Mathias Nguini Owona. Le risque que le malaise social dégénère va « dépendre de l’habileté politique du pouvoir en place », explique-t-il. Plusieurs chancelleries ont d’ores et déjà fermement conseillé à leurs ressortissants de « limiter leurs déplacements » mercredi. (Avec AFP)

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