Terrorisme : les pays du Sahel redoutent l’armement libyen d’Aqmi
L’insurrection en Libye inquiète de plus en plus les pays du Sahel, convaincus qu’une partie de l’armement du colonel Mouammar Kadhafi est désormais entre les mains d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi). Une situation qui pourrait faire de la région une véritable poudrière.
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sera-t-elle bientôt une des armées les plus puissantes du Sahel ? C’est en tout cas la crainte exprimée par l’Algérie et ses voisins. « Il y a là un très grand danger de voir Aqmi devenir l’une des armées les plus fortes du Sahel », s’inquiètent en cœur des responsables régionaux de la lutte contre le djihadisme. Selon eux, « beaucoup d’armes sont tombées dans les mains des terroristes, surtout des missiles sol-air » après le pillage des casernes du régime de Kadhafi par les insurgés.
« La menace est réelle, elle n’est pas du tout exagérée », confirme Eric Denécé, directeur du Centre français de recherches sur le renseignement (CF2R), qui vient d’effectuer une mission à Tripoli en compagnie notamment de l’ancien patron de la DST, Yves Bonnet. L’expert refuse pour l’instant d’en dire davantage, attendant la publication dans une dizaine de jours du rapport de mission après un prochain voyage à Benghazi, le fief des insurgés.
Missiles anti-aériens
Les responsables de la lutte anti Aqmi qui se sont confiés sous le couvert de l’anonymat, avaient observé la présence en Libye de « beaucoup de citoyens avec des missiles sur l’épaule, au début de la crise libyenne », notamment des missiles anti-aériens Sam7. Mais ce ne serait plus le cas aujourd’hui. « Al-Qaïda en a beaucoup pris » et « ces armes sont même parvenues dans le Sahel », déplorent les responsables de la région.
Face à cette menace, « la coopération sous-régionale en matière de lutte contre le terrorisme est plus que jamais nécessaire. Nous travaillons dans la lutte contre le terrorisme avec un noyau dur composé du Mali, de l’Algérie, de la Mauritanie, du Niger, mais nous l’étendons aux autres pays comme le Tchad ou le Burkina Faso », annoncent-ils.
Dans une interview à Jeune Afrique, le président tchadien Idriss Déby Itno se montrait lui aussi inquiet au sujet de la révolution libyenne, qui pourrait coûter cher à la stabilité de la région. « Les islamistes d’Al-Qaïda ont profité du pillage des arsenaux en zone rebelle pour s’approvisionner en armes […] Aqmi est en passe de devenir l’armée la mieux équipée de la région », affirmait-il.
Sécurisation des frontières
Même inquiétude en Algérie, première puissance militaire de la région mais également pays ayant le plus souffert de la violence islamiste. Selon des informations de la presse algérienne non confirmées, le pays aurait renforcé son dispositif militaire à sa frontière avec la Libye. Son ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, s’est rendu mercredi à la frontière avec le Niger où il a visité le poste frontalier d’In-Guezzam, en compagnie des autorités civiles et militaires de la wilaya (département) de Tamanrasset (2 000 km au sud d’Alger). Mardi, dans cette grande ville de l’extrême sud algérien, Ould Kablia a déclaré que l’Algérie « doit améliorer la sécurité à ses frontières » en raison de « la situation en Libye qui peut être exploitée par les ennemis » du pays.
Le même jour, Abdelkader Messahel, ministre algérien délégué aux Affaires maghrébines et africaines, faisait part de ces inquiétudes. Aqmi, dont un des principaux théoriciens est le Libyen Abou Yahya al-Libi, pourrait « s’accaparer un armement lourd et sophistiqué de nature à mettre en péril la sécurité dans cette région et bien au-delà », a-t-il affirmé.
Dès les premières opérations de la coalition internationale en Libye, l’Algérie avait insisté sur la menace djihadiste. Son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, avait qualifié la situation libyenne de « chance de plus que nous donnons aux terroristes ». Selon lui, la crise risque de se trouver « exacerbée par l’intervention étrangère ». (avec AFP)
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