Brigitte Senut : « je compte bien découvrir les restes de notre Ugandapithecus major ! »
Brigitte Senut, Professeur au Museum national d’Histoire naturelle (MNHN) et Martin Pickford, paléontologue au Collège de France, ont présenté le 19 septembre au MNHN, en présence du professeur Yves Coppens, le crâne d’un grand singe, vieux de 20 millions d’années qu’ils ont découvert le 18 juillet dernier sur les flancs du volcan Napak en Ouganda.
jeuneafrique.com : c’est votre professeur, Yves Coppens, à son retour d’Ethiopie qui vous a transmis la passion de la recherche sur le terrain ?
Brigitte Senut : Oui sûrement mais j’avais déjà le virus depuis toute petite. Quand on partait en vacances quelque part, déjà je fouillais les sols… Et mes parents ont eu l’intelligence de m’encourager dans cette voie
Pouvez-vous nous raconter comment s’est passé l’accès au site de Napak XV ?
Le site de Napak XV se situe dans une région reculée, dans le Karamoja, au Nord-Est de l’Ouganda. En juillet, qui est censé être la période la plus sèche de l’année, il a beaucoup plu, ce qui ne nous a pas facilité les choses. Pour accéder au site sur les flancs du volcan Napak, nous devons monter une piste abrupte et marcher 45 minutes. C’est un véritable don de soi. De plus, les pluies diluviennes ont rendu la piste toute boueuse et nous n’avions aucune visibilité car elle est parsemée de hautes herbes. Nous étions accompagnés d’une vingtaine d’ouvriers pour dégager le site.
Nous y sommes retournés avec un pincement au cœur car en 1985, nous étions tombés dans une embuscade. On nous avait tiré dessus et nous nous étions cachés sous notre véhicule. Heureusement, maintenant c’est beaucoup plus sécurisé, nous n’avons plus besoin d’escorte militaire.
Qui a découvert en premier les ossements du grand singe fossile ?
Ah, ce n’est pas moi, c’est Martin ! J’étais en bas du site et lui en haut. Je préfère toujours commencer par le bas. Et j’ai trouvé deux dents de ruminant. Je suis alors montée pour lui montrer et là il me dit qu’il vient de découvrir deux molaires de primates. J’étais folle, je l’aurais bouffé !
Comment s’est déroulée l’extraction et quelle a été votre réaction en découvrant qu’il s’agissait d’un crâne quasi complet ?
Un paléontologue qui découvre une dent de primate est déjà très heureux, alors vous imaginez notre satisfaction en découvrant un palais puis un crâne ! L’extraction a été longue et minutieuse. Dent par dent, morceau par morceau, à l’aide d’une aiguille. Puis on a tamisé à sec et pour le nettoyage on a utilisé du vinaigre d’alcool. Enfin nous avons tout reconstitué avant de le présenter aux instances ougandaises. Cette découverte n’a été possible que grâce à l’aide financière du gouvernement français, et à la collaboration étroite avec l’équipe du Museum de Kampala. C’est le fruit de longs efforts qui ont payé au bout de 25 ans !
Que va vous apporter le nouvel outil d’imagerie ultra-performant du MNHN, le scanner CT Scan ?
Le CT SCAN va permettre de reconstituer le volume du cerveau sur la face-arrière du crâne. Cela facilitera l’étude du rapport cerveau-corps.
Il doit rester beaucoup de travail sur le site. Quand reprenez-vous les fouilles ?
Oui, sur le site, Il y a du travail encore pour cinquante ans, voire plus ! On repart en janvier-février 2012 et là, je compte bien découvrir les restes de notre Ugandapithecus major !
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Propos recueillis par Alexandra Boquillon
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