Côte d’Ivoire : un rapport d’ICG dénonce la criminalisation de l’armée ivoirienne

Le dernier rapport d’International crisis group (ICG) est pour le moins accablant pour les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). L’Organisation non gouvernementale internationale dénonce une criminalisation de l’armée et invite le président Alassane Ouattara à affirmer son leadership sur la question de la sécurité en Côte d’Ivoire.

L’IGC pointe du doigt les activités du commandant Ouattara Issiaka. © SIPA

L’IGC pointe du doigt les activités du commandant Ouattara Issiaka. © SIPA

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Publié le 19 décembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Racket, trafic de voitures volées en direction des pays  voisins de la Côte d’Ivoire, indiscipline, criminalisation, mafia. Tous les maux ou presque y passent. Dans ce rapport publié à Dakar et à Bruxelles, le vendredi 16 décembre, et intitulé « Côte d’Ivoire : Poursuivre la convalescence », ICG invite Alassane Ouattara à prendre ses responsabilités face aux dérapages des FRCI. « Le président de la République, recommande le rapport, devra jouer un rôle plus actif et public dans le règlement des questions de sécurité.

Il devra notamment s’adresser à tous les combattants civils qui se sont battus pour faire respecter son droit légitime à exercer ses fonctions actuelles ». ICG craint en effet que la réforme de l’armée promise par le chef de l’État soit « mal partie » du fait de la trop grande implication de Guillaume Soro, premier ministre et patron des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN, ex-rébellion) qualifié de « juge et partie ».

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Ex-comzones autoritaires

Pour ICG, les maux qui minent les FRCI nécessitent des réponses urgentes. Et l’un de ces maux est l’indiscipline liée à l’autorité débordante des ex-comzones (commandants de zone des FAFN). « La hiérarchie militaire n’est pas toujours respectée au sein d’un appareil de sécurité qui est traversé par plusieurs chaines de commandement, note le rapport. Les hommes issus des FN gardent l’ascendant sur les éléments issus des anciennes forces régulières. Les chefs militaires de la rébellion, dont certains ont été élevés à de hauts grades, ont gardé autour d’eux leurs hommes les plus fidèles et les plus aguerris. Ces derniers n’ont toujours pas été ventilés dans d’autres unités des FRCI et constituent des entités autonomes qui se soustraient à la hiérarchie classique ». Conséquences, entre autres : « Les hommes qui sont attachés au service des anciens commandants de zone refusent fréquemment de saluer ou d’obéir aux ordres de hauts gradés, qui appartenaient aux FDS (Forces de défense et de sécurité, NDLR) avant la crise postélectorale ».

Le rapport de 21 pages pointe du doigt un commandant de zone particulier : Ouattara Issiaka, alias Watao. « Beaucoup moins nombreux, d’autres éléments des FRCI se livrent à des activités délictueuses à plus grande échelle, dans un cadre plus structurel contrôlé par d’anciens chefs militaires des FN qui tentent de perpétuer le système mafieux qui a fait leur fortune en zone CNO (Centre-Nord-Ouest, zones ex-assiégées, NDLR). Issiaka Ouattara, alias Wattao, et ses hommes sont considérés comme les principaux responsables de ce brigandage ». L’ONG tient cependant à préciser que cet ex- « comzone », promu au grade de commandant adjoint de la garde républicaine par Ouattara, « rejette ces accusations ».

Criminalisation de l’armée

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D’autres ex-« comzones » non nommément cités sont épinglés par le rapport. En effet, ICG révèle que « les dizaines de millions de francs CFA que certains ex-« comzones » continuent de gagner mensuellement leur permettent d’entretenir des milices personnelles et de résister aux pressions du gouvernement afin qu’ils rentrent dans le rang. Ainsi dans la capitale économique, des sociétés étrangères sont soumises au racket d’éléments se réclamant des FRCI. Des particuliers sont obligés de payer pour la protection de leurs magasins ou de leurs domiciles. Ce racket s’effectue souvent avec un alibi politique : ses auteurs mettent en avant l’appartenance de leur victime au camp de Laurent Gbagbo pour justifier leurs agissements ».

De façon générale, le rapport fustige la criminalisation de l’armée ivoirienne ou de ce qui s’apparente à l’armée ivoirienne. « Une masse d’hommes armés gravite toujours autour des FRCI sans que personne ne sache s’ils en font ou non partie, souligne ICG. L’intégration de 9 000 membres des FN, prévue par l’Accord politique de Ouagadougou (APO), n’a pas encore eu lieu, et il est donc très difficile de savoir qui, parmi eux, appartient ou non à la nouvelle armée. A cela s’ajoute une grande inconnue : celle du nombre et de l’identité des « volontaires » et autres combattants civils « associés au conflit » qui ont rejoint les FRCI pendant ou juste après l’offensive des mois de mars et avril 2011. Leur nombre reste très flou.

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Toujours armés, ils sont au centre du problème de la criminalisation des forces de sécurité ou des éléments qui leur sont apparentés. Une grande majorité de ces volontaires ne reçoit aucune rémunération et s’adonne à un banditisme de survie ». Un banditisme qui inclut des trafics de sorte que « les vols de voitures sont toujours nombreux à Abidjan. Une partie de ces vols alimente un trafic international de véhicules de luxe qui a pour relais principal la ville de Bouaké et passe ensuite par le Mali et le Burkina Faso. »

ICG conclue que « les autorités ivoiriennes auraient tort de penser que la longue crise politico-militaire est désormais terminée. Sans une traduction en actes des messages appréciables de réconciliation, sans une opposition politique représentée dans les institutions, sans une justice digne de ce nom et un appareil de sécurité au service de tous les citoyens, les mêmes causes produiront à terme les mêmes effets ».

 

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