Maroc : et le gouvernement fut, dans la continuité

Le Premier ministre Abdelilah Benkirane a réussi à former son gouvernement, qui a été nommé le 2 janvier par le roi du Maroc Mohammed VI. Le PJD, l’Istiqlal, le MP et le PPS y occupent des postes clés, mais le dispositif reste verrouillé par des techniciens et plusieurs ministres non partisans sont reconduits. Analyse.

Le roi Mohammed VI (D.) et Abdelilah Benkirane, à Midelt le 29 novembre 2011. © Azzouz Boukallouch/afp.com

Le roi Mohammed VI (D.) et Abdelilah Benkirane, à Midelt le 29 novembre 2011. © Azzouz Boukallouch/afp.com

Publié le 3 janvier 2012 Lecture : 4 minutes.

Le roi Mohammed VI a présidé le 3 janvier au palais royal de Rabat la cérémonie de nomination du nouveau gouvernement marocain, mettant fin à un feuilleton haletant fait de négociations, de rumeurs et de coups de théâtre depuis la nomination comme chef du gouvernement, le 29 novembre à Midelt, de l’islamiste Abdelilah Benkirane.

Le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), arrivé en tête lors des élections législatives anticipées du 25 novembre 2011 (107 sièges sur les 395 que compte la Chambre des représentants), s’est d’abord assuré du soutien des partis de l’Istiqlal (60 sièges), du Mouvement populaire (MP, 32 sièges) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS, 18 sièges).

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Adoptant une méthodologie nouvelle – signature d’un pacte de la majorité et adoption d’une structure du gouvernement -, avant d’entamer les négociations portefeuille par portefeuille, Benkirane a composé un gouvernement de coalition, dont une première mouture a été remise au roi le 24 décembre. Il a fallu ensuite répondre aux réserves et quelques vétos émis par l’équipe de conseillers du souverain avant d’adopter la liste finale constituée de 30 ministres en plus du chef du gouvernement.

Part du lion

Sans surprise, le PJD se taille la part du lion et occupe 12 ministères, dont les Affaires étrangères et la Coopération, la Justice et les Libertés, l’Équipement et le Transport, l’Enseignement supérieur et la Recherche, la Communication, et compte l’unique femme du gouvernement : Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social.

Les partenaires de l’Istiqlal ne sont pas en reste puisque leur échoient notamment les ministères de l’Économie et des Finances, de l’Éducation nationale, de l’Énergie et des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. Troisième composante de la coalition le Mouvement populaire décroche l’Intérieur, le Tourisme, la Jeunesse et les Sports. Plus petit parti de la majorité, le PPS chapeautera quant à lui des ministères importants : Habitat, Urbanisme et Politique de la ville, Santé, Emploi et Formation professionnelle, Culture.

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Des ministres non partisans ont été maintenus au gouvernement dans leurs fonctions passées : le ministre des Habous et des Affaires islamiques Ahmed Toufiq, dont le remplacement n’était pas à l’ordre du jour selon Abdelilah Benkirane. De même que le ministre délégué à la Défense nationale Mohamed Loudiyi et le secrétaire général du gouvernement Driss Dahak, des ministres de souveraineté pour l’heure inamovibles.

Des verrous partout

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Plus surprenante, la reconduction d’Aziz Akhannouch, ministre sortant de l’Agriculture et démissionnaire depuis peu du Rassemblement national, s’explique quand on sait que le chef du gouvernement a tout fait pour le « débaucher » dès l’entame des tractations pour former le gouvernement. Ministre apprécié, réputé proche du palais royal, il offre à Abdelilah Benkirane l’occasion de faire coup double : le choix d’un connaisseur du monde rural, talon d’Achille du PJD, parti urbain, et un ultime pied-de-nez au RNI et à Salaheddine Mezouar, grand perdant des législatives, privé d’un de ses bailleurs de fonds.

Autre « bizarrerie » de ce gouvernement, le retour à la pratique du binôme ministre/ministre délégué. Jugés sensibles mais dévolus à des politiques, l’Intérieur et les Affaires étrangères sont doublés de techniciens. Le nouveau ministre de l’Intérieur Mohand Laenser (MP) est flanqué d’un ministre délégué en la personne de Charki Draïss, jusque-là directeur général de la Sûreté nationale (la police marocaine, NDLR).

De même, son confrère nommé aux Affaires étrangères, Saad-Eddine El Othmani (PJD), sera marqué de près par Youssef Amrani, ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, rappelé du secrétariat général de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Si l’on y ajoute la nomination, à la veille de la formation du gouvernement, du ministre sortant des Affaires étrangères Taieb Fassi-Fihri au poste de conseiller royal, la continuité est plus qu’assurée.

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Liste du gouvernement marocain :

– Abdelilah Benkirane : chef de gouvernement

– Abdellah Baha : ministre d’État

– Mohand Laenser : ministre de l’Intérieur

– Saad-Eddine El Othmani : ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

– Mustafa Ramid : ministre de la Justice et des Libertés.

– Ahmed Toufiq : ministre des Habous et des Affaires islamiques.

– Driss Dahak : secrétaire général du gouvernement.

– Nizar Baraka : ministre de l’Économie et des Finances.

– Nabil Benabdellah : ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Politique de la ville.

– Aziz Akhannouch : ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime.

– Mohamed El Ouafa : ministre de l’education nationale.

– Lahcen Daoudi : ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres.

– Mohamed Ouzzine : ministre de la Jeunesse et des Sports.

– Aziz Rabbah : ministre de l’Équipement et du Transport.

– El Hossein El Ouardi : ministre de la Santé.

– Mustapha El Khalfi : ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.

– Fouad Douiri : ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.

– Abdelouahed Souhail : ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

– Abdelkader Aâmara : ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies.

– Lahcen Haddad : ministre du Tourisme.

– Bassima Hakkaoui : ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social.

– Mohamed Amine Sbihi : ministre de la Culture.

– Abdessamad Qaiouh : ministre de l’Artisanat.

– Lahbib Choubani : ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile.

– Abdellatif Loudiyi : ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé de l’Administration de la Défense nationale.

– Abdellatif Maâzouz : ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé des Marocains résidant à l’étranger.

– Charki Draiss : ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur.

– Youssef Amrani : ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

– Mohamed Najib Boulif : ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé des Affaires générales et de la Gouvernance.

– Abdelâdim El Guerrouj : ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration.

– Idriss Azami Al Idrissi : ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances chargé du Budget.

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