Libye, France, CPI : où Senoussi sera-t-il extradé ?
Après l’arrestation en Mauritanie d’Abdallah Senoussi, l’ancien chef des renseignements de Mouammar Kadhafi, la France, la Libye et la Cour pénale internationale (CPI) demandent son extradition. Tous veulent juger l’homme des basses oeuvres de l’ancien régime libyen.
C’est à qui obtiendra le premier l’extradition du colonel libyen Abdallah Senoussi. La Mauritanie a déclaré dimanche avoir reçu deux demandes en ce sens de la part de la France et de la Cour pénale internationale (CPI), tandis que Interpol relayait celle des autorités libyennes.
La demande d’arrestation pour extradition émise par l’organisation policière internationale contre l’ancien chef des renseignements et beau-frère de Mouammar Kadhafi vise différentes fraudes dont « le détournement de fonds publics et l’abus de pouvoir pour un bénéfice personnel », est-il indiqué dans un communiqué. Une précédente demande d’Interpol concernant Senoussi avait été émise à la requête de la CPI pour « crimes contre l’humanité ».
Passeport malien
Arrêté à l’aéroport de Nouakchott dans la nuit de vendredi à samedi, à son arrivée de Casablanca (Maroc) par vol régulier avec un faux passeport malien, Abdallah Senoussi continuait lundi d’être interrogé par les services mauritaniens. La police mauritanienne « mène sa propre enquête » à laquelle elle associera Interpol, a indiqué une source policière. Pas question d’extrader à la va-vite, donc.
Les demandes d’extradition doivent être examinées par « un tribunal compétent » avant toute décision, explique Brahim Ould Ebettye, un avocat du barreau de Nouakchott. En outre, « c’est à l’État qui a arrêté la personne de choisir où elle l’extrade, selon ses critères et ses règles », précise Didier Rebut, professeur à l’université de Paris II-Panthéon Assas.
Selon un responsable mauritanien de la sécurité, Nouakchott attend « la visite d’une délégation du Conseil national de transition [CNT, au pouvoir à Tripoli] à une date non encore précisée ». Il n’y a pas d’accord bilatéral d’extradition entre la Libye et la Mauritanie, mais une simple convention d’assistance judiciaire liant les pays membres de la Ligue arabe. Celle-ci a été signée à Ryad en 1983 et ratifiée par Nouakchott en 1985 et Tripoli en 1988.
Résolution de l’ONU
Autre point de chute éventuel pour Senoussi : La Haye, aux Pays-Bas. La CPI a émis un mandat d’arrêt contre lui le 27 juin 2011 (ainsi qu’à l’encontre de l’ex-« Guide » et de son fils Seif-el Islam), l’accusant d’avoir commis « des meurtres et des persécutions de civils constitutifs de crimes contre l’humanité » dès le début de la révolte anti-Kadhafi à la mi-février 2001. Et même si la Mauritanie n’appartient pas aux 120 pays parties à la CPI, ce n’est pas forcément rédhibitoire, rappelle Didier Rebut : le mandat d’arrêt de la CPI résulte d’une résolution du 26 février 2011 du Conseil de sécurité de l’ONU qui, elle, s’applique à la Mauritanie.
De son côté, Paris indique que Senoussi fait « l’objet d’un mandat d’arrêt international à la suite de sa condamnation par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité dans l’affaire de l’attentat du 19 septembre 1989 contre le vol UTA 772, qui avait coûté la vie à 170 personnes, dont 54 Français » en s’écrasant au Niger.
Enfin, la Libye prétend offrir à Senoussi un procès équitable pour les crimes dont il est accusé dans son pays. « Nos tribunaux sont très bons, particulièrement à Tripoli et nous sommes à même de le juger conformément aux normes internationales », a assuré Ali Hmida Achour, le ministre libyen de la Justice. Une capacité dont Amnesty International a toutefois dit douter, souhaitant que l’accusé soit remis à la CPI. À Nouakchott de trancher, en fonction de critères juridiques, mais aussi, très vraisemblablement, politiques.
(Avec AFP)
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