Richard Zink : « Il faut rétablir la paix, négocier avec les groupes rebelles qui sont prêts à discuter »

L’ambassadeur de l’Union européenne (UE) au Mali, Richard Zink, explique la position des bailleurs de fonds sur la crise que traverse le pays. Le dialogue avec les rebelles touaregs qui dirigent le Nord du pays peine à s’ouvrir réellement. Un Premier ministre a été nommé, mais les Maliens attendent encore la formation de son gouvernement. La junte militaire qui a fait chuter l’ancien président, Amadou Toumani Touré (ATT), tarde à rendre véritablement le pouvoir. Dans ce contexte, les partenaires extérieurs du Mali essaient de soutenir le pays et, surtout, de contenir l’influence grandissante d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Interview.

Richard Zink, ambassadeur de l’Union européenne (UE) au Mali. © DR

Richard Zink, ambassadeur de l’Union européenne (UE) au Mali. © DR

Publié le 24 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : L’Union européenne a accueilli favorablement l’accord-cadre signé entre la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les anciens putschistes maliens. Comment allez-vous accompagner cet accord ?

Richard Zink : Dans les prochains jours, ECHO, notre branche humanitaire va envoyer une mission à Bamako pour évaluer les besoins du Mali. L’UE a décidé de mobiliser 9 millions d’euros supplémentaires au titre de l’aide humanitaire pour le pays. En ce qui concerne les futures élections, beaucoup de dirigeants souhaitent la révision des fichiers électoraux. Nous sommes prêts à soutenir ce processus avec d’autres partenaires, afin que les élections soient crédibles, transparentes et surtout que les Maliens y participent massivement.

Pour réussir une forme d’autonomie, il faut d’abord accepter de faire partie d’un seul et même pays.

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Selon vous, l’armée malienne a-t-elle besoin des troupes de la Cedeao pour récupérer les villes du Nord ?

L’armée malienne a certainement besoin d’aide, mais il faut garder à l’esprit qu’il y a bien deux aspects dans cette crise: un volet militaire et un autre politique. Il faudra prendre en compte les deux pour parvenir à une solution. Actuellement, il n’y pas d’armée (malienne) qui puisse se rendre au Nord et vaincre seule les rebelles. On ne peut pas attendre qu’elle soit prête. Il faut des solutions plus rapides. Pour cela, il y a l’offre de la Cedeao et des autres paretenaires.

Nicolas Sarkozy a dit qu’il était favorable à une autonomie – même minime – accordée aux Touaregs. Est-ce que l’Union Européenne partage ce point de vue ?

La division du pays a été un grand choc pour les Maliens.  J’ai l’impression que la plupart d’entre eux veulent rester unis à tout prix. Une autonomie ou une décentralisation n’est jamais réalisable s’il y a de trop fortes volontés séparatistes. Pour réussir une forme d’autonomie, il faut d’abord accepter de faire partie d’un seul et même pays et ne pas prendre une éventuelle autonomie comme une étape vers l’indépendance.

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Pensez-vous que les partenaires occidentaux du Mali portent une part de responsabilité dans la crise actuelle ? Est-ce que le côté exemplaire de la démocratie malienne que les bailleurs de fond mettaient souvent en avant ne les a pas aveuglés sur l’état réel du pays ?

Il y a des pays de la région qui n’ont pas accepté que des armes circulent librement sur leur territoire. Ils ont mis en œuvre très rapidement des programmes pour intégrer les combattants revenus de Libye. Le Mali n’a pas voulu lancer ce processus. Il faut se demander comment cette rébellion a pu se préparer au vu et au su des autorités. La responsabilité ne se situe certainement pas au niveau européen. Aujourd’hui, il faut rétablir la paix, négocier avec les groupes rebelles qui sont prêts à discuter dans le but de maintenir l’intégrité du pays et revoir le processus de décentralisation qui pourrait être complété par des éléments d’autonomie.

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Une véritable culture de la corruption s’est installée dans le pays ces dernières années. Qu’en pensez-vous ?

Il faut réformer l’armée et réinstaurer la discipline.

L’index Doing business de la Banque mondiale, qui traite du climat des affaires, laisse effectivement penser que la corruption est un facteur préoccupant. Le secteur privé  se plaint de la fiscalité et de tout ce qui en dépend : les droits de douane et les taxes à acquitter le sont souvent de manière arbitraire et peu transparente. Les entrepreneurs et les citoyens ont par ailleurs peu confiance dans la justice malienne.

Comment le Mali peut-il faire face à la corruption dans son armée ?

Il faut prendre les mesures qui s’imposent. Il faut réformer l’armée et réinstaurer la discipline. Ce sont de jeunes officiers qui ont pris le pouvoir, cela veut dire beaucoup de choses…

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Propos recueillis à Bamako par Baba Ahmed

 

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