Mali : les dessous d’un contre-coup d’État manqué
Le coup d’État du 21 mars qui a renversé l’ex-président ATT a aussi exacerbé les tensions entre les commandos-parachutistes soignés par le pouvoir et le reste de l’armée malienne. Une rivalité interne qui a débouché sur une tentative manquée de contre-coup d’État, le 30 avril dernier. Enquête sur une guerre fratricide.
Aux environs de 18 heures, lundi 30 avril, trois unités du Régiment de commandos-parachutiste (RCP) ou Bérets rouges, chargés de la garde présidentielle, attaquent des points stratégiques pour prendre le contrôle de Bamako. Mais face à la détermination de l’ancienne junte malienne, qui a rendu le pouvoir aux civils tout en restant omniprésente, le contre-coup d’État échoue. Pourquoi ces quelque 200 militaires fidèles à l’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT) sont-ils passés à l’action ?
Tout indique qu’ils se sentaient menacés par l’ancienne junte (ou Bérets verts). « La tension est montée d’un cran la semaine précédant le contre-coup d’État lorsque le capitaine Amadou Haya Sanogo [leader des putschistes, NDLR] a convoqué à son QG de Kati le chef d’état-major du RCP, le colonel Abidine Guindo, qui est aussi l’ancien aide de camp d’ATT », dit une source sécuritaire à Bamako. Mais le colonel décline l’invitation et le 30 avril, aux environs de 14 heures, toutes les unités spéciales du RCP sont convoquées au camp de Djicoroni. Motif : les Bérets verts de Kati s’apprêtent à faire une descente punitive contre Guindo pour avoir tenu tête à Sanogo.
Rivalité et jalousie
Rumeur, manipulation ou vérité ? Le chef de l’ex-junte nie avoir eu l’intention de s’en prendre à Guindo et à ses hommes. Mais une chose est sûre : la rivalité entre Bérets rouges et Bérets verts ne date pas du putsch du 22 mars contre ATT.
Créé en 1974, le RCP est constitué de plus de 600 hommes d’infanterie à la fois commandos et parachutistes. Il assure la garde statique du palais présidentiel ainsi que de l’escorte du chef de l’État sur l’ensemble du territoire du Mali. ATT vient des Bérets rouges qu’il a dirigés. Depuis son élection en 2002, ce corps d’élite est particulièrement soigné en terme de formations – pour le combat rapproché, avec la Corée du Nord, ou pour les techniques de combat en zone difficile avec les États-Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – mais aussi en matière d’équipement et d’armement. De quoi créer la jalousie au sein des autres corps militaires.
Avec le putsch du 22 mars, la rivalité s’exacerbe. Les Bérets verts au pouvoir ne sont pas tendres avec les « protecteurs » d’ATT, qui s’exilera bientôt au Sénégal. Une semaine après le coup d’État, la junte réquisitionne sans justification les quatre BRDM (blindés légers) du RCP qui protégeaient le camp de Djicoroni. Après la chute de Gao entre les mains des rebelles et islamistes, le 31 mars, l’unité de Bérets rouges qui se replie vers le Sud avec d’autres militaires est désarmée à son arrivée à Bamako – contrairement à leur frères d’armes. Nouvelle humiliation.
Brimades
« Les Bérets rouges chargés de la protection de la présidence n’avaient plus le droit de porter une arme, y compris la sentinelle du palais présidentiel. Certains Bérets verts demandaient même aux Bérets rouges d’enlever leur béret à certains check points. Ce sont toutes ces brimades, sur fond de rivalité entre les deux corps, qui ont poussé les Bérets rouges à tenter un contre-coup le 30 avril dernier », explique une source diplomatique bien informée à Bamako.
Qu’est devenu Guindo ? « Il a quitté Bamako par la route de la Guinée, nous avons trouvé sa voiture pleine d’armes devant sa maison », dit un Béret vert. Pour l’heure, les éléments du RCP n’ayant pas pris part aux affrontements fratricides s’inscrivent sur des listes au camp 1 de la gendarmerie de Bamako et ne savent toujours pas quel sort leur est réservé par l’ancienne junte.
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Par Baba Ahmed, à Bamako
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