Syrie : Bachar al-Assad, dictateur sanguinaire au pays des « terroristes »
Bachar al-Assad ne cédera pas. C’est en substance ce qu’il a répété, dans un discours prononcé dimanche 3 juin. Dédaignant les quelque 13 400 personnes décédées depuis le 15 mars 2011 dans la répression, il a dénoncé « un complot terroriste tramé à l’étranger ». Alors que la communauté internationale reste divisée, la stratégie du dictateur ne change pas : aucun compromis avec les rebelles « terroristes ».
C’est le discours d’un président atteint de cécité qui a retenti dans le Parlement syrien, dimanche 3 juin. Ignorant le martyr que vit une grande partie de la population depuis quinze mois, Bachar al-Assad n’a pas hésité à imputer la responsabilité du drame syrien à un « un plan de destruction », à « un complot terroriste tramé à l’étranger ». Estimant avoir « essayé tous les moyens politiques », il a également rejeté la faute sur les rebelles, ces « terroristes » qui « ne sont pas intéressés par le dialogue ou les réformes ».
« Ils sont investis d’une mission et ne s’arrêteront que s’ils l’accomplissent ou si nous parvenons à les arrêter », a-t-il expliqué. Et de réaffirmer : « Il n’y aura pas de compromis dans la lutte contre le terrorisme », excluant tout dialogue avec le Conseil national syrien. Le dirigeant alaouite a même nié toute implication de l’armée syrienne dans le massacre de Houla, qui a fait 108 morts, allant à l’encontre des rapports des observateurs de l’ONU présents sur place.
La Syrie, poudrière du Proche-Orient
La crise en Syrie a d’ores et déjà des conséquences sur les pays frontaliers. L’armée libanaise s’est ainsi déployée, dimanche 3 juin à Tripoli, dans le nord du Liban, après des affrontements entre partisans, issus pour la plupart du quartier de Bab el-Tebbaneh, majoritairement sunnite, et adversaires libanais du président Bachar al-Assad, localisés dans Jabal Mohsen, quartier alaouite soutenant le régime.
Les combats ont fait quatorze morts et des dizaines de blessés. Ceux-ci viennent s’ajouter aux dix personnes tuées à la mi-mai et aux trois morts et 23 blessés du mois de février à Tripoli.
Le plan Annan, jamais appliqué, toujours d’actualité ?
La pression diplomatique conjointe de l’ONU, de la France et de la Ligue arabe ne semble donc avoir aucun effet sur la détermination d’al-Assad. Pas plus que le plan Annan, fantoche s’il en est, mais qui continue d’être soutenu par la Ligue arabe. Celle-ci a demandé au Conseil de sécurité d’établir un nouveau calendrier pour son application.
Elle a également appelé à une résolution du Conseil, basé sur le chapitre VII de la charte de l’ONU, afin d’imposer une rupture diplomatique avec la Syrie et, surtout, d’aller vers une forme de blocus avec « une suspension partielle ou totale des relations économiques, des liaisons ferroviaires, maritimes et aériennes ». Un vœu pieu tant la Russie et la Chine sont bien décidées à paralyser le Conseil de sécurité et à empêcher toute initiative pouvant mener, de près ou de loin, à une intervention internationale sur place, y compris l’instauration de corridors humanitaires.
"Lutte contre le terrorisme"
Bachar al-Assad n’est pas le premier à utiliser la lutte contre le terrorisme pour justifier une répression militaire. Son soutien russe, Vladimir Poutine, en avait abusé avant lui en Tchétchénie pour déclencher en 1999 une deuxième intervention armée.
Une guerre qui a fait de la capitale, Grozny, selon André Glucksmann, philosophe et essayiste, « le pire du pire, une ville de 400 000 habitants réduite en poussière ». Il ajoutait, dans Le Monde, en février 2002 : « Depuis Varsovie, punie pour son insurrection par Hitler, aucune puissance européenne n’a osé un tel forfait. Avec force avions, canons, hélicoptères, la prétendue « opération antiterroriste » fut conduite à distance, de façon parfaitement indiscriminée. »
Poutine, le rempart
Si Bachar al-Assad ne prend pas ses ordres de Moscou, la Pravda poutinienne lui procure sans doute un regain de confiance à chaque lecture. En visite en France, dimanche 4 juin, le président russe, qui a repris récemment les commandes du Kremlin, n’a en effet pas mâché ses mots face à François Hollande. Alors que ce dernier avait considéré une intervention de forces onusiennes envisageable, Poutine a rétorqué : « Regardez, l’Irak, la Libye, est-ce que c’est le bonheur, est-ce que ces pays sont en sécurité aujourd’hui ? Nous savions tous que Kadhafi était un tyran. Mais pourquoi n’écrivez-vous pas ce qui s’est passé après sa chute, à Syrte notamment ? »
Le président russe a une nouvelle fois appelé à une « solution politique » pour éviter la « guerre civile », assurant que « la Russie n’a pas d’intérêts commerciaux en Syrie, pas d’intérêts militaires ». Une affirmation étonnante alors que la Russie possède une base militaire à Tartous sur la Méditerranée et qu’elle a vendu à la Syrie quelque 529 millions d’euros de matériels d’armement en 2010.
L’armée syrienne, l’atout du régime
Moscou n’est cependant pas la seule à rappeler le précédent libyen aux bons souvenirs des plus interventionnistes. Pékin s’en est également fait l’écho. « Des victimes civiles en masse, d’énormes pertes matérielles, une société de plus en plus agitée… Les leçons tirées des erreurs commises en Libye sont encore fraîches », écrivait ainsi, lundi 4 juin, Le Quotidien du Peuple, organe du parti communiste chinois.
Une mise en garde qui s’appuie sur une réalité évidente : le poids militaire de la Syrie est sans commune mesure avec celui de la Libye de Kadhafi. Bachar al-Assad peut encore se targuer de posséder l’armée la plus imposante du Proche-Orient, avec environ 200 000 hommes et 280 000 réservistes. Bien assez pour supporter les attaques de l’Armée libre syrienne, même équipée par le Qatar et l’Arabie Saoudite ou appuyée par la Turquie. Bien assez également pour dissuader la France et les États-Unis de faire de l’hypothèse de l’intervention autre chose qu’une phrase choc sans suite effective.
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