Côte d’Ivoire : le gouvernement affirme avoir déjoué « un complot anti-Ouattara »
Après de nouvelles attaques mortelles dans le Sud-Ouest, le gouvernement d’Alassane Ouattara a dénoncé « un complot » mené par des forces pro-Gbagbo pour déstabiliser le pouvoir d’Alassane Ouattara. Mais les preuves avancées sont pour l’instant aussi minces que la liste des supects est longue.
Pour les observateurs, le doute est encore permis sur l’origine et les motivations des auteurs des récentes attaques mortelles dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire. Pas pour le gouvernement ivoirien, selon lequel ces violences récurrentes de la région de Taï, qui ont fait au moins quatre morts en début de semaine, sont le fait de miliciens pro-Gbagbo.
Les autorités ivoiriennes mettent ces violences sur le compte d’un vaste plan de déstabilisation, comme l’a indiqué le ministre de l’Intérieur Ahmed Bakayoko, mardi soir sur la RTI. Celui-ci a révélé que l’arrestation en octobre dernier de l’ancien aide de camp de Simone Gbagbo à Abidjan, Anselme Seka Yapo, dit « Seka Seka », et notamment l’analyse du contenu de son ordinateur, avait conduit à plusieurs arrestations de militaires ivoiriens ayant préparé un coup d’État contre Alassane Ouattara à partir du Ghana.
« Au mois de janvier, février, mars, nous avions des indications très précises qu’un groupe d’officiers en exil à Accra, préparait une opération militaire sur la Côte d’Ivoire », a indiqué le ministre, avant que la RTI ne diffuse une vidéo montrant un groupe d’hommes en uniforme, dont le porte-parole proclame la dissolution des institutions et la création d’un « Conseil pour la souveraineté nationale ».
Liste de suspects
« Cette vidéo est authentique », a assuré M. Bakayoko, selon qui le porte-parole de ces militaires, le colonel Katé Gnatoa, a été arrêté en mars, avec plusieurs de ses compagnons. « Ils avaient préenregistré cette cassette qui proclamait la prise du pouvoir par eux-mêmes, la création d’un Conseil pour la Souveraineté Nationale (CSN). Ils avaient une complicité à la RTI, qui devait introduire cette cassette au moment où ils démarreraient les attaques afin de créer l’émoi et la panique chez les Ivoiriens », a poursuivi le ministre qui a cité les noms de cette junte présumée.
Y figurent le « lieutenant Yapi, qui était l’adjoint du commandant de la CRS 1 », le « commandant Tapéko Kipré, qui était le commandant de la garde républicaine de Yamoussoukro », le « colonel Gouanou Alphonse, qui était le commandant du 2e bataillon de Daloa », « Katé Gnatoa, ancien commandant de la garde républicaine, porte-parole de ce groupe de militaires », le « colonel Gadi Rigobert, ancien commandant de la BASA (Bataillon d’artillerie sol Air d’Akouédo) », le « commandant Loba Patrice, ancien commandant de la BAE » et le « sergent-chef Brou Serge Pacôme, alias Tom », énumère Bakayoko.
Les interrogatoires menés auprès des personnes interpellées auraient aussi permis d’impliquer d’autres personnalités pro-Gbagbo, de près ou de loin, dans la tentative présumée de déstabilisation. « Nous avons des éléments très précis sur les échanges de mails et SMS. (…) Nous avons des éléments précis. Donc, ils sont authentifiés. Et à la disposition de quiconque voudrait les vérifier », assure le ministre. Qui donne à nouveau toute une série de noms.
Il s’agit deplusieurs personnalités de l’ancien régime, comme Koné Katinan, ancien porte-parole de l’ex-président Gbagbo, Secré Richard (ex-ministre du Tourisme), Kadet Bertin (ex-conseiller pour la sécurité de la présidence), Koné Amara (ex-ministre), Koré Moïse (ex-pasteur), Augustin Comoé (ancien ministre des Mines), Nady Bamba (épouse de Laurent Gbagbo), Kassoum Fadiga (ancien directeur général de Petroci), Ben Zahoui (journaliste), Stéphane Kipré (gendre de Gbagbo), le commandant Konan Boniface (rentré d’exil), Ousmane Sy Savané (ex-directeur général du groupe Cyclone, propriété de Nady Bamba).
Les aveux de Moïse Lida Kouassi
Pour Hamed Bakayoko, l’ex-ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi, arrêté la semaine dernière au Togo, fait également partie du complot. Pour appuyer ses allégations, le ministre fait diffuser dans la même émission une vidéo d’aveux et d’excuses de l’intéressé (voir ci-dessus, à la 28e minute).
« C’est une organisation. Il y a un volet militaire. On a retrouvé dans l’ordinateur d’Ousmane Sy Savané, des notes. Ils le disent bien : "Propositions de personnes ressources qui sont restées en Côte d’Ivoire et qui semblent être tolérées par les tenants du pouvoir". Donc, il y a le pool lobbying, il y a Kassoum lui-même, Nadi, Docteur Abié, Koudou Jeannette, Kadet Bertin, Ottro… Il y a le pool Media : Demba, Ousmane, Léonie, Bamba, Yacou, Aly Keita, Ben Soumahoro. Il y a le Pool Finance : Koné Katina, Marcelin Zahui, Djédjé Mama… le président, ils ont mis des points d’interrogation », détaille Bakayoko.
Pour autant, les récentes attaques dans le Sud-Ouest sont-elles le fait de miliciens pro-Gbagbo ? Ou, au contraire, d’un simple banditisme régional ? Malgré les éléments apportés par Bakayoko, la lumière est loin d’être faite. La thèse du militantisme politique est cependant renforcée par un rapport récent de l’ONG Human Rights Watch (HRW), qui évoque la responsabilité de miliciens ivoiriens et de mercenaires libériens ayant recours à des enfants-soldats.
Réaction gouvernementale à l’Ouest
La réaction des forces gouvernementales afin de sécuriser la zone ne devrait en tout cas plus se faire attendre. Des ministres ivoiriens et libériens, ainsi que des responsables de l’Onuci et de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) se sont retrouvés mercredi après-midi à Abidjan. L’enjeu est d’arriver à « une paix durable et une sécurité pérenne de part et d’autre de nos frontières », a déclaré le ministre ivoirien des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan.
Les 716 km de frontière que partage la Côte d’Ivoire avec le Liberia, malgré leur fermeture samedi 9 juin par les autorités libériennes, n’empêchent vraisemblablement pas le passage récurrent des anciens combattants pro-Gbagbo, réfugiés dans l’est du Liberia après la crise postélectorale ivoirienne de 2011. Si les soupçons se confirment à leur égard, ces groupes armés seront tenus responsables de la mort des sept Casques bleus nigériens, des dix civils et d’au moins un militaire ivoirien tués le 8 juin dans des villages au sud de Taï. Les exactions perpétrées depuis l’été 2011 auraient fait quelque 5 000 civils déplacés, selon l’Ocha.
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