Mali : l’intégralité du discours à la nation de Dioncounda Traoré
Dioncounda Traoré est président de transition du Mali. Ce discours à la nation a été diffusé par la télévision publique malienne le 29 juillet.
Chers compatriotes,
Vous comprendrez, j’en suis sûr, que je commence par rendre grâce à Allah Tout Puissant qui dans sa mansuétude infinie, me donne en cet instant, le privilège de pouvoir m’adresser à vous après le triste épisode du 21 mai où, au-delà de ma modeste personne, il a été porté un coup de plus à nos valeurs et à notre société.
Je l’ai déjà dit et je le répète aujourd’hui ; ma vie n’est rien à côté du Mali et à mes agresseurs je réitère mon pardon.
Je pardonne pour le Mali, je pardonne au nom du Mali, car le Mali a besoin de toute son énergie et de tous ses enfants pour se remettre debout.
Aujourd’hui plus que jamais il nous faut être à la hauteur de nos ambitions et de l’Histoire. Et pour cela nous devons avoir le sens de la magnanimité et celui du dialogue.
Permettez-moi donc mes chers compatriotes de vous inviter, une fois de plus, toutes et tous à vous pardonner les uns les autres surtout en ce mois béni du Ramadan que je souhaite à la fois apaisant et apaisé pour toutes nos communautés, toutes nos confessions et aussi au cœur d’un hivernage que je désire satisfaisant pour nos producteurs.
Mes chers compatriotes,
Je n’ai d’autre combat que le vôtre, pour une vie libre, sereine, digne et prospère.
Oui, je dis avec fierté aujourd’hui que je n’ai jamais triché avec ce pays, jamais pris la part d’autrui, jamais violé ni les principes, ni les normes, ni les consensus auxquels je suis partie, ni mes convictions pour la démocratie la justice et la solidarité.
Telles sont mes valeurs et mes convictions profondes, telles elles le resteront.
Le Mali ne s’effondrera pas, malgré les rudes coups qu’il a reçus. Le Mali se redressera encore plus fier, encore plus solide !
Mes chers compatriotes,
Nous sommes à un tournant capital de l’évolution du Mali en tant qu’Etat, en tant que nation, en tant que peuple.
Je demeure convaincu, loin du pessimisme qui pourrait gagner quelques uns d’entre nous, que les défis qui sont aujourd’hui ceux de notre Pays peuvent être relevés.
Le Mali ne s’effondrera pas, malgré les rudes coups qu’il a reçus. Le Mali se redressera encore plus fier, encore plus solide ! Parce que la nation malienne est une grande nation. Une nation grande de chacune de ses communautés des régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Gao, Tombouctou, Kidal et du district de Bamako.
L’action isolée de quelques uns de ses enfants, momentanément égarés et celle de ceux qui n’aiment pas assez ce grand pays pour oublier un peu leurs personnes ne doivent pas occulter l’atout majeur que nous avons : celui d’avoir une majorité saine, des hommes et des femmes qui travaillent sous le soleil et la pluie et sur lesquels nous pouvons compter à tout moment.
Le Mali ne s’effondrera pas, parce que fort de son passé, protégé par son histoire et fier de ses cultures qui ont contribué à la civilisation de l’universel et qui ont donné Tombouctou, Djenné et Sangha au monde.
Enfin le Mali ne s’effondrera pas parce qu’il n’est pas seul. Il ne saurait être seul, pour avoir été de tous les combats pour la libération et le rayonnement de l’Afrique, pour le développement et la démocratie dans le monde.
Chers compatriotes,
Nous devons rester ouverts à tous les souffles, nous qui avons offert notre solidarité quand d’autres en avaient besoin, aussi bien en Afrique qu’ailleurs !
Nous devons comprendre et apprécier à sa juste valeur le formidable élan de solidarité qui s’est manifesté pour la préservation de notre intégrité territoriale et la sauvegarde de notre démocratie.
A cet égard, la CEDEAO, l’Union Africaine, les Nations Unies et nos partenaires bilatéraux et multilatéraux ne sauraient être nos ennemis.
Ce sont au contraire des mains amies qui nous sont tendues, soucieuses de nos problèmes internes certes, mais aussi des menaces qu’en ce moment le Mali, jadis porteur de paix, représente pour la sécurité, de la sous-région, de l’Afrique et du monde.
Nous devons, et justement pour reconquérir notre souveraineté totale accepter cette solidarité, car elle découle du contrat qu’ont signé entre eux les pays candidats à la communauté des démocraties.
Nous n’oublierons jamais dans ce partenariat ce qui fait l’identité du Mali et ce que doit être son apport et ce qui doit relever de sa seule compétence.
En revanche nous nous devons d’éviter les débats qui nous mettent en deçà de l’Histoire et qui portent à terme un lourd préjudice à ce pays que nous avons en partage.
Chacun et chacune d’entre nous a une dette envers le Mali. Il est grand temps pour chacun et chacune d’entre nous de payer une petite part de cette dette, de payer ne serait-ce qu’une toute petite part !
Mes chers compatriotes,
Chacun et chacune d’entre nous a une dette envers le Mali. Il est grand temps pour chacun et chacune d’entre nous de payer une petite part de cette dette, de payer ne serait-ce qu’une toute petite part !
Ce n’est pas demander l’impossible : il s’agit ici d’une idée, là d’un peu de sincérité, ici de solidarité, là de détermination pour ensemble arriver à proposer les justes réponses aux défis du jour et aux bégaiements de l’Histoire.
Aucune des épreuves que nous connaissons depuis le début de l’année, n’est une fatalité pour une terre de solidarité, d’indulgence, de sacrifices et de dignité !
Nous avons été la terre de ces valeurs fortes.
Nous n’avons pas d’autre choix que de redevenir cette terre de valeurs fortes.
C’est là le seul moyen de mériter de nos illustres devanciers dont l’action prévoyante nous a permis d’être ensemble aujourd’hui et de constituer le Mali.
Je pense à Kaya Makan CISSE, Soundiata KEITA, Sonni Aliber, Askia Mohamed, Da Monzon, Biton COULIBALY, Sékou Ahmadou, Babemba, Tiéba, El Hadj Oumar TALL, Firoun Ag el Ansar, Samory TOURE, Mamadou KONATE, Modibo KEITA ainsi que tous leurs compagnons.
Nous devons mériter d’eux dans l’épreuve qui est aujourd’hui la notre, dont nous devons tirer toutes les leçons mais que nous devons surmonter en sachant que les urgences et les contingences nous enlèvent désormais tout droit aux atermoiements et à l’erreur.
Le Mali est la somme de nos différences et de notre diversité, de nos qualités et de nos intelligences, de nos connaissances et de nos compétences, la somme de nos êtres physiques et moraux il est donc nécessairement beaucoup plus que chacun d’entre nous, il est donc forcément aux dessus de chacun d’entre nous.
Or du 17 janvier 2012, date des premières attaques perpétrées contre notre souveraineté nationale et notre intégrité territoriale par des mouvements armés, du 17 janvier à nos jours il n’y a eu aucun répit dans le processus de désintégration de notre pays.
Le Mali coupé en deux, les images de personnes déplacées avec leur baluchon sur la tête, des femmes harassées tenant par la main leurs enfants apeurés, des vieilles personnes décharnées se trainant le long des axes routiers, nos populations et nos villes martyrisées.
Tombouctou profanée et nos patrimoines culturels détruits …Bref ces images de la détresse humaine que nous avions l’habitude de voir à la télévision ne sont plus virtuelles. Elles sont devenues aujourd’hui la réalité malienne, une réalité qui nous rappelle cruellement que « ce n’est pas qu’aux autres que cela arrive » !
Au regard de la complexité de cette crise et la profondeur de la détresse dans laquelle sont plongées nos populations du nord mais aussi tous leurs concitoyens du reste du pays il est impérieux qu’en tant qu’acteurs nationaux, en tant que patriotes, en tant que démocrates, nous dégagions ensemble, je dis bien ensemble, la voie à suivre pour libérer notre pays de tous ces envahisseurs qui sèment dans leur sillage, désolation, déchéance et douleur. C’est pourquoi nous devons tous être acquis à l’alliance la plus large possible et la plus forte possible pour s’attaquer aux défis actuels de notre pays.
Et c’est pourquoi je formule les propositions suivantes, susceptibles d’améliorations et d’amendements, et dont j’espère qu’elles emporteront votre adhésion.
I. SECURITE DES INSTITUTIONS DE LA TRANSITION
Je voudrais réaffirmer ici la position qui a toujours été la mienne. « Je fais entièrement confiances aux services de sécurité maliens et à l’armée malienne pour assurer la sécurité du Président de la République et celles des autres institutions de la République ».
Les dispositions déjà prises ou envisagées pourront, bien entendu, être affinées et améliorées en fonction des moyens et équipements que nous pourront réaliser.
II. ORGANES DE LA TRANSITION
Dans le but de compléter l’architecture institutionnelle de mieux l’adapter aux réalités sociopolitiques, aux missions de la transition, dans l’esprit de l’article 6 de l’accord cadre, je propose :
A/ Un Haut Conseil d’Etat (HCE) constitué du Président de la République et de deux Vice-Présidents chargés d’assister le Président dans l’accomplissement des missions de la Transition.
L’un des Vice-Présidents représentera les Forces de Défense et de Sécurité et à ce titre il présidera notamment le Comité militaire de suivi de la Réforme des Forces de Défense et de Sécurité et s’occupera de toutes les questions militaires concernant le Nord du Mali ;
L’autre Vice-Président représentera les autres composantes des Forces vives de la Nation.
B/ Un Gouvernement d’Union Nationale : où seront représentées toutes les composantes des Forces Vives.
Les consultations conduisant à sa formation seront menées par le Président de la République.
C/ Un Conseil National de Transition (CNT) : ayant une compétence consultative et regroupant les représentants des partis politiques présents ou non à l’Assemblée Nationale et des représentants de la Société Civile.
Il sera piloté par le Vice-Président représentant les Forces vices.
D/ Une Commission Nationale aux Négociations (CNN) : conforme au souhait des Chefs d’Etat de la CEDEAO formulé au point 18 du communiqué final de la deuxième réunion du groupe de contact sur le Mali.
Cette commission sera chargée d’engager avec les mouvements armés du Nord du Mali des pourparlers de paix en relation avec le médiateur de la CEDEAO afin de rechercher par le dialogue, des solutions politiques négociées à la crise.
E/ Une requête en direction de la CEDEAO (de l’Union Africaine et des Nations Unies) en fonction des conclusions de la mission qui a séjourné dernièrement à Bamako.
Les Vice-présidents seront nommés et le Conseil National de la Transition (CNT) sera mis en place dans les meilleurs délais et en tout cas dans la quinzaine qui suivra la mise en place du Gouvernement d’Union Nationale.
Par ailleurs il reste entendu que ni le Président, ni le Premier ministre, ni les Ministres ne pourront se présenter à la prochaine élection présidentielle.
Mes chers compatriotes,
Il y a un temps pour la politique politicienne, un temps pour les ambitions personnelles, pour les querelles partisanes, mais aujourd’hui, c’est le temps de la mobilisation de toutes et de tous pour sauver notre pays.
Il y a un temps pour tout !
Il y a un temps pour la politique politicienne, un temps pour les ambitions personnelles, pour les intérêts individuels et corporatistes, un temps pour les querelles partisanes.
Mais aujourd’hui, aujourd’hui, c’est le temps de la mobilisation de toutes et de tous pour sauver notre Pays en danger. C’est le temps du dépassement et de l’oubli de soi.
Il s’agit aujourd’hui d’observer une trêve dans ces guéguerres improbables.
Il s’agit de faire du Mali notre seule priorité. Il s’agit de ne plus perdre de temps dans des polémiques stériles, nous sommes engagés dans une course contre la montre et chaque seconde qui passe complique davantage les solutions requises.
Il s’agit de se focaliser sur l’essentiel c’est-à-dire notre intégrité territoriale et notre démocratie.
Nous devons impérativement nous mettre d’accord entre enfants d’un même pays et faire montre de responsabilité en même temps que d’une volonté et d’une détermination sans faille.
Ce que notre attachement à notre pays, à notre intégrité territoriale, à l’unité de notre nations nous commande aujourd’hui, ce que les populations du Nord, nos compatriotes qui souffrent le martyr, ce que nos centaines de milliers de déplacés et de réfugiés nous demandent aujourd’hui c’est d’être unis et solidaires devant l’adversité.
C’est de créer autour de notre armée un climat de confiance et une union sacrée pour arriver à la réconcilier avec elle même, à la reconstruire, à l’équiper et à la mettre dans toutes les conditions pour qu’elle puisse mener à bien sa mission de libération des territoires occupés.
Alors unissons-nous pour sauver notre Patrie. Unissons-nous pour préserver notre démocratie.
C’est l’appel vibrant que je vous lance, Maliennes et Maliens du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest.
Mes chers compatriotes,
Il n’y a aucune raison de désespérer. Nous sommes un Peuple digne, un Peuple courageux. Tous ensemble nous relèverons tous les défis aux quels nous sommes confrontés.
Nous pouvons le faire et nous le ferons avec la grâce d’Allah.
Et si vous nous faites confiance nous étonnerons plus d’un par la rapidité avec laquelle cette crise sera résolue !!
Je vous en donne l’assurance, dans très peu de temps, le Mali sera débarrassé de l’irrédentisme, du narcotrafic et du terrorisme religieux, de toutes les formes d’insécurité qui mettent en danger la paix des citoyens.
Notre pays reviendra à lui-même. Il redeviendra lui-même : un pays d’accueil pour tout le monde, un pays de tolérance pour les religions, un pays qui ne sera plus une menace pour ses voisins, un pays qui élira bientôt son futur Président à l’issue d’élections irréprochables.
Tous nous devons en faire le serment ici et maintenant car une telle mission n’est pas au dessus des moyens du Grand Peuple que nous sommes et pour le Mali, je le répète ici j’accepterai, pour ma part, tous les sacrifices !
Merci pour votre confiance, merci pour votre sollicitude, merci pour votre patience.
Vive le Mali éternel, un et indivisible !
Que le Tout Puissant nous inspire et qu’Il protège et bénisse le Mali.
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