Maurice Kamto : « Proposer au peuple camerounais des idées nouvelles »

L’ancien ministre délégué à la Justice, Maurice Kamto, a lancé le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le 13 août à Yaoundé. Ce nouveau parti d’opposition, qui en agrège plusieurs, a pour objectif de réanimer le débat politique dans le pays. Seul problème : avant sa première convention, prévue en septembre, sa ligne est plutôt difficile à cerner.

Maurice Kamto entend préparer l’après-Biya, en toute modestie. © AFP

Maurice Kamto entend préparer l’après-Biya, en toute modestie. © AFP

Clarisse

Publié le 16 août 2012 Lecture : 5 minutes.

Ils avaient obtenu le feu vert du sous-préfet de Yaoundé III pour la conférence de presse du 13 août annonçant la naissance officielle du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), un parti autorisé par le ministre de l’Administration territoriale. Mais c’est finalement dans l’obscurité, micros coupés, cernés par les forces de sécurité, avec le peu de personnes qui avaient pu pénétrer dans la salle de conférence de l’hôtel Hilton, louée à cet effet, que l’ancien ministre délégué à la Justice, Maurice Kamto, l’un des membres fondateurs du parti, et quelques-uns de ses nouveaux partenaires se sont exprimés. Retour sur cet événement et sur les projets du dernier-né des partis de l’opposition camerounaise.

Jeune Afrique : Peut-on considérer que le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) existe désormais officiellement ?

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Maurice Kamto : Pour nous, membres de ce mouvement, il a officiellement été porté à la connaissance du public ce 13 août, certes dans des circonstances inattendues. Nous avons une correspondance du ministre de l’Administration territoriale, datée du 3 août, qui prend acte de la transformation d’un parti existant, le Mouvement républicain populaire (MRP), en une nouvelle formation regroupant plusieurs autres, ainsi que des organisations de la société civile et différentes personnalités de premier plan. Par conséquent, le MRP existe incontestablement, en droit comme en fait, et nous en préparons activement la convention, prévue en septembre.

Un nouveau parti : pourquoi maintenant et pour quoi faire ?

Le seul moment propice à la création d’un parti, c’est lorsqu’il est suffisamment mûr pour prendre son envol. Cela suppose beaucoup de travail en amont. En ce qui nous concerne, nous avons contribué pendant quelque huit mois à faire fusionner des partis politiques, parfois très jeunes, dont le Mouvement républicain populaire (MRP) d’Alain Fogué Tedom et le Mouvement républicain (Morep) de Fabien Assigana. Et cela n’a pas été sans mal.

Notre conviction est qu’un changement de régime ne s’opère pas nécessairement dans la violence.

Dès lors qu’une formation politique existe légalement, son intégration à une autre entité est souvent mal perçue par les militants, qui s’identifient à leur parti et sa dénomination. Il nous a donc fallu amener ces derniers à adhérer à cette perspective, et convaincre des personnalités de la société civile. Une fois ce travail de persuasion réalisé, il était indispensable que nous l’annoncions au public. Il y a par ailleurs un vrai débat idéologique à parachever, les options et orientations du parti à définir. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains partis politiques avec lesquels nous sommes en discussion ne peuvent pas encore être mentionnés.

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Quant à son utilité, elle consiste à participer à la vie politique du Cameroun, notre conviction étant qu’un changement de régime ne s’opère pas nécessairement dans la violence. Le jeu politique devrait pouvoir survivre au pouvoir actuel. Il est donc indispensable que des forces s’organisent pour offrir des perspectives et des alternatives à la population. Des échéances électorales se profilent et il est normal de s’y préparer.

Une allusion à la présidentielle ?

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Nous ne faisons pas de la présidentielle de 2018, bien lointaine, une obsession. Les législatives et les municipales devraient intervenir bien avant… Certes, on ne les voit pas arriver et nous ne sommes pas maîtres du calendrier, mais nous voulons être prêts à y aller à tout moment. À cet égard, le MRC entend porter sur la place publique, nationale et internationale, dans le sillage de ce que font déjà certains partis de l’opposition, la question lancinante de la réforme consensuelle du code électorale, lequel ne permet pas aujourd’hui d’espérer des élections sincères, honnêtes et transparentes au Cameroun.

Il ya eu Jean-Jacques Ekindi, Albert Nzongang, Mila Assoute, qui se sont éloignés du régime Biya pour des raisons, disent-ils, purement idéologiques, mais avec peu de succès. En quoi votre démarche se distingue-t-elle fondamentalement de la leur ? Sur le fond et sur la stratégie ?

Notre façon de faire et nos actions à venir seront la meilleure réponse à cette question.

Et votre projet de société ?

Dans un pays qui compte plus de deux cents partis, parvenir à en réduire le nombre plutôt que de le multiplier à l’infini témoigne de la pertinence de notre mouvement.

Il sera présenté lors de notre première convention. Dans l’immédiat, nous voulons surtout faire savoir aux Camerounais que nous sommes parvenus à réunir plusieurs formations politiques sous une même bannière. Dans un pays qui en compte plus de deux cents – ce qui n’est pas bien sérieux -, parvenir ainsi à en réduire le nombre plutôt que de le multiplier à l’infini témoigne de la pertinence de notre mouvement. Nous restons ouverts aux partis et aux personnalités qui veulent se joindre à nous.

Comment l’ancien ministre que vous êtes se positionne-t-il désormais? Êtes-vous clairement le chef de file d’une nouvelle opposition à Paul Biya ?

Je fais partie du MRC qui, chacun le sait, ne gouverne pas le pays à l’heure actuelle. En France, par exemple, on ne dit pas de l’UMP qu’elle est une opposition à François Hollande, mais au gouvernement socialiste en place. Je ne me focalise ni ne m’acharne sur des personnes. Nous sommes un parti respectueux des institutions et des lois de la République. Nous n’avons pas pour objectif de parler de manière irrévérencieuse de quelque dirigeant que ce soit. En revanche, nous nous devons de proposer au peuple camerounais, seul juge, des idées nouvelles permettant de faire progresser le pays.

C’est votre réponse à ceux qui vous qualifient de néo-activiste ?

Je suis respectueux des opinions des uns et des autres, bien que je ne me sente nullement concerné par ce qualificatif. J’en laisse la responsabilité à ceux qui l’utilisent. Pour le reste, il n’est pas interdit aux citoyens d’un pays de se mettre ensemble pour s’organiser, réfléchir et faire des propositions ; nous nous y nous employons. Sans prétention.

Après votre démission du gouvernement le 30 novembre 2011, vous avez gardé le silence pendant de longs mois, alors que des tribunes s’offraient à vous. Et quand vous avez décidé de vous exprimer, en février 2012, vous avez été privé de conférence de presse, comme ce 13 août…

L’objectif du gouvernement était peut-être de banaliser ma décision en l’occultant, ou de me priver de parole ; c’est de bonne guerre. J’aurais effectivement pu profiter de la tribune qui m’était offerte par les médias. Sauf que je ne fais pas les choses pour ma gloire personnelle. Quelle stratégie aurais-je dû adopter ? M’exprimer juste après ma démission pour laisser entendre que je suis le plus beau, le plus fort, le plus courageux ? Cela n’aurait eu aucun intérêt. Il m’a semblé plus constructif de prendre du recul et de plancher sur un projet de société pertinent à présenter aux Camerounais.

Depuis votre départ du gouvernement, avez-vous pu vous entretenir avec le président Paul Biya ?

Non, je n’en ai pas eu l’occasion.

Et vous le regrettez ?

Il ne m’avait rien promis.

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Propos recueillis par Clarisse Juompan-Yakam

 

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