Alep, symbole de l’horreur et de la complexité du conflit syrien
Comme Homs ou Hama avant elle, Alep, la deuxième ville de Syrie, est aujourd’hui le symbole de la résistance au régime de Bachar al-Assad. Dans ses rues, pilonnées par l’aviation syrienne, les soldats de l’Armée syrienne libre (ASL) combattent sous le feu des snipers. Une violence sans précédent dans un conflit qui a déjà fait plus de 35 000 victimes.
C’est une ville assiégée. Depuis fin juillet, Alep est en proie aux pluies d’obus et de bombes du régime de Bachar al-Assad. Lundi 5 novembre, l’Observatoire syrien des droits de l’homme faisait ainsi état de violents combats et notait des bombardements qui ont tué un civil et provoqué un incendie à proximité d’un bâtiment des renseignements aériens, à l’entrée nord-ouest de la ville. Des affrontements auraient également éclaté à proximité de l’aéroport international.
Avec l’utilisation de l’aviation, la violence est désormais, semble-t-il, à son paroxysme. Comme en témoigne le crash d’un avion militaire, dimanche 4 novembre, les raids aériens se succèdent, poussant la population à se cacher sous terre. « À chaque bombardement, on va se cacher, on descend à la cave ou on va dans la mosquée, parce que tout le monde meurt », explique ainsi, Aya, sept ans, à l’AFP.
Gouvernement de transition
Le président français, François Hollande, a appelé, dimanche 4 novembre, en Arabie Saoudite, le Conseil national syrien (CNS) à former un gouvernement de transition afin de s’assurer qu’il y ait bien une « transition démocratique en Syrie ». Il expose ainsi le souhait de la communauté internationale de prévenir une dérive de la révolution. Les détracteurs du CNS soulignent en effet que celui-ci pourrait être un bras armé des Frères musulmans en Syrie, soutenus par les régimes sunnites du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Ce gouvernement de transition démocratique viserait également à écarter les accusations selon lesquelles la révolution syrienne serait orchestrée de l’étranger, à Riad, Doha ou Istanbul, où le CNS et de nombreux Frères musulmans syriens en exil ont trouvé refuge.
"Le régime essaye de créer la fitna"
Alep devient également un symbole de la complexité de la situation. Récemment, des combats ont opposé des troupes de l’ASL à des miliciens d’origine kurde, qui s’étaient pourtant déclarés officiellement neutres dans ce conflit. « Ces affrontements nous attristent d’autant plus que de nombreux Kurdes se sont engagés auprès de l’ASL pour libérer leur pays de ce régime dictatorial », a déploré, sur France 24, Fares A., membre du Conseil militaire kurde de l’Armée syrienne libre dans la région d’Alep : « Le régime essaye de créer la fitna [discorde] entre les Kurdes et leurs frères arabes pour affaiblir la révolution. Il faut absolument éviter de tomber dans ce piège. »
Ce n’est pas la première fois que le régime est accusé de jouer la division, notamment à Homs. Dans cette ville du Nord, dont la population est en grande majorité sunnite, des témoignages ont rapporté que les troupes de Bachar al-Assad mettaient en avant des signes et slogans chiites lors de leurs opérations. Alors que l’ASL se refusait à évoquer un conflit intercommunautaire, les références à la religion se sont ainsi faites de plus nombreuses, de mois en mois, au fil du pourrissement du conflit.
Jihad
Dans son livre Carnets de Homs, Jonathan Little explique ainsi avoir rencontré en Syrie de nombreux combattants de l’Armée libre qui avouaient ne plus voir d’autre choix que d’appeler au jihad. « S’il n’y pas une intervention de l’Otan, on va faire un appel au jihad », expliquait ainsi Abderrazak Tlass, l’un des leaders de l’ASL à Homs en février 2012, « là des groupes vont venir du monde musulman entier et les choses nous échapperont ».
Leur grande force, c’est qu’ils n’ont pas peur de mourir.
Jamal Addine Ibrahim, Chef d’une brigade de l’ASL à Alep
Une façon de faire pression sur la communauté internationale. Une manière surtout de donner raison à Bachar al-Assad qui déclarait le 3 juin 2012 : « Nous n’affrontons pas un problème politique [..]. Ce que nous affrontons est une tentative de semer le conflit intercommunautaire ».
Les groupes jihadistes, bien que minoritaires, sont donc néanmoins de plus en plus nombreux. Syriens radicalisés ou volontaires étrangers, ils sont devenus des « troupes de choc ». « Leur grande force, c’est qu’ils n’ont pas peur de mourir » assurait à l’AFP, fin septembre à Alep, Jamal Addine Ibrahim, 35 ans, chef d’une brigade des rebelles de l’ASL. « L’autre jour, nous étions sous le feu d’un sniper », ajoutait-il, « un moujahid a foncé à découvert jusqu’au pied de l’immeuble, est rentré dedans et l’a abattu. Aucun de mes hommes ne peut faire ça. »
Par Mathieu Olivier (@MathieuOlivier)
Les combats à Alep, en images
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