Le réseau Migreurop dénonce la « guerre aux migrants » faite par l’Union européenne
Pour la première fois, le réseau Migreurop a publié un bilan sur les 20 dernières années de ce qu’il appelle la « guerre aux migrants » livrée par l’Union européenne. En moyenne, selon les associations, pas moins de cinq personnes trouvent la mort chaque jour aux frontières de l’Europe depuis deux décennies.
Selon le réseau Migreurop, qui regroupe une quarantaine d’associations européennes et africaines militant pour la libre circulation des personnes, au moins 2 000 migrants ont péri en 2011 en essayant de gagner l’Union européenne (UE). Pour l’année 2012, il y aurait eu au moins 722 morts, du 1er janvier au 25 octobre, auxquels il faut ajouter, au cours des quinze derniers jours, pas moins de 90 personnes décédées en Méditerranée, ont indiqué à l’AFP des sources marocaines.
Plus de 16 000 morts en 20 ans
Selon les données publiées par le réseau dans l’Atlas des migrants en Europe, le chiffre de 2011, lié aux opérations militaires en Libye, est largement supérieur au bilan de 2010 (environ 320 morts) mais il est proche du record de 2006.
Au total, au cours des 20 dernières années, ce sont au moins 16 250 migrants qui sont décédés – par noyade, asphyxie, faim, froid ou suicide – aux frontières de l’Europe, selon l’Atlas. Près de 13 000 d’entre eux ont disparu en mer sur le flanc sud de l’UE : environ 6 000 dans le Golfe de Sicile, 2 500 vers Gibraltar et près de 3 000 au large des Îles Canaries.
Parmi les dernières victimes : un bébé noyé au large de Melilla, un jeune Angolais tombé d’un avion et deux Somaliens morts de faim en mer.
Parmi les toutes dernières victimes, le document mentionne les cas d’un bébé noyé au large de Melilla, d’un jeune Angolais tombé d’un avion en route vers Londres et de deux Somaliens morts de faim lors de la dérive de leur embarcation.
Le décompte s’appuie sur « une liste des morts » établie par l’association United for intercultural action, basée à Amsterdam, qui s’est appuyée sur une base constituée d’articles de presse et d’informations émanant des acteurs de terrain. En prenant l’exemple du cas de trois fillettes tchétchènes mortes après s’être perdues dans les montagnes polonaises en septembre 2007, l’Atlas indique également que « la frontière verte séparant, en pleine zone forestière, l’Ukraine de la Pologne, est un autre des axes meurtriers » des miogrations.
"Représentation a minima"
Migreurop précise que ce bilan n’est qu’une « représentation a minima d’une hécatombe ignorée », la liste étant fondée sur le décompte des corps retrouvés ou les témoignages des survivants de naufrage. En sont par définition exclues les embarcations qui disparaissent au large sans rescapés.
Pour le réseau, ce « décompte macabre (…), loin d’être exempt de biais », se justifie par la nécessité de « donner de la lisibilité à une situation trop souvent réduite à la fatalité et au fait-divers (…). Il s’agit aussi d’un hommage à rendre aux victimes », ajoutent les auteurs qui n’hésitent pas à incriminer « les politiques migratoires restrictives » de l’UE.
« Le renforcement des contrôles aux frontières n’a pas jugulé les flux d’immigration irrégulière mais il a multiplié les prises de risques », écrivent-ils, en évoquant une « guerre aux migrants ». Mais selon eux, l’UE n’est pas la seule concerée par « les lignes de front ». La frontière mexicano-américaine, les eaux territoriales australiennes ou encore le Golfe d’Aden sont autant de lieux où les migrants sont « livrés par le cadenassage des routes sûres aux éléments naturels ».
Les auteurs fustigent les Européens, qu’ils estiment coupables de « non assistance à personne en danger (…). Pendant l’intervention en Libye, il y avait un grand nombre d’yeux en Méditerranée », a déclaré Violaine Carrère en conférence de presse. Selon elle, les navires militaires de l’Otan et des pays engagés avaient tous les moyens de repérer les embarcations en souffrance. « Il y a eu une dérive vers l’enfer sous les yeux de nos militaires », a-t-elle ajouté.
(Avec AFP)
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