Côte d’Ivoire : l’armée coupable d’exactions « généralisées », selon un rapport de HRW
Le rapport de Human Rights Watch publié lundi 19 novembre l’affirme sans l’ombre d’une hésitation : l’armée ivoirienne a multiplié les violations des droits de l’homme en réaction aux attaques commises par des groupes armés à partir du mois d’août. Des exactions qui, selon l’ONG, risquent de « replonger la Côte d’Ivoire dans le conflit ».
Mis à jour à 17h14.
En Côte d’Ivoire, les rapports concernant l’armée nationale se suivent… et se ressemblent. Le dernier en date provient de Human Rights Watch (HRW), qui affirme, dans un document de 80 pages publié lundi 19 novembre, que les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont commis des atteintes « généralisées » envers les droits de l’homme après une vague d’attaques perpétrées entre août et octobre.
Les exactions décrites concernent « des arrestations arbitraires, des détentions illégales, des actes d’extorsion, des traitements inhumains et, dans certains cas, des actes de torture », énumère le rapport, intitulé « Bien loin de la réconciliation : répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d’Ivoire ».
Le gouvernement admet de "possibles dérapages"
Étant donné le « contexte sécuritaire » après les attaques et vu le « niveau de formation en droits de l’Homme » au sein des Forces républicaines (FRCI, armée), « il est possible qu’il y ait eu des dérapages », a déclaré le ministre des Droits de l’Homme, Gnénéma Coulibaly, lundi 19 novembre, après la publication du rapport de HRW.
« Nous allons mener les investigations nécessaires pour identifier les personnes incriminées et vérifier ces allégations. Si elles sont avérées, nous ferons en sorte que des suites judiciaires soient données », a-t-il indiqué, jugeant digne de « crédit » le rapport de l’ONG de défense des droits de l’Homme. « Nous n’avons rien à cacher ni personne à protéger », a insisté le ministre, qui ne s’est pas s’il sera reconduit, le gouvernement ayant été dissout par Alassane Ouattara, le 14 novembre.
« Depuis avril 2012, au moins 50 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées pendant ces attaques » contre les FRCI, écrit HRW, qui juge « crédibles » les accusations des autorités contre les pro-Gbagbo, dont certains éléments sont suspecté de complot contre la sécurité de l’État.
"Ben Laden" dans le viseur
Mais la « répression » qui a suivi « a été marquée par des actes rappelant les crimes graves commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011 », poursuit HRW, qui a effectué une mission de trois semaines à Abidjan entre août et septembre et dit avoir recueilli cinq témoignages de personnes ayant été victimes de tortures dans un camp militaire de la capitale économique.
« La torture en tant que telle ne semblait pas être systématique », indique cependant HRW qui souligne que les exactions ont été commises « dans certains cas sous des commandants précédemment identifiés comme responsables d’abus brutaux » durant la crise de 2010-2011. En clair, ce sont toujours les mêmes responsables militaires qui sévissent en toute impunité, affirme l’organisation.
En clair, ce sont toujours les mêmes responsables militaires qui sévissent en toute impunité.
Dans le viseur de HRW, le commandant Ousmane Coulibaly, dit « Ben Laden » est régulièrement accusé de violations des droits humains. Celui-ci, ex-chef rebelle pro-Ouattara, a récemment été nommé préfet de la région sensible de San Pedro (Sud-Ouest). Précédemment en charge de la sécurité du quartier de Yopougon, un fief abidjanais de l’ex-président Laurent Gbagbo, il serait responsable d’« arrestations arbitraires massives » d’opposants présumés. « Des centaines de jeunes hommes semblent avoir été arrêtés et détenus, essentiellement sur la base de leur (appartenance ethnique) et leur lieu de résidence ».
Les promesses de Ouattara
Amnesty International, qui prépare aussi un rapport sur la Côte d’Ivoire, a déjà affirmé dans un communiqué en octobre que « plus de 200 personnes » dont des pro-Gbagbo, avaient été « arbitrairement détenues et torturées ». Le gouvernement avait vivement protesté mais promis d’ouvrir des enquêtes. Récemment, certains militaires mis en cause par les associations des droits de l’homme
« Plusieurs responsables gouvernementaux ont admis l’existence d’excès dans la riposte des militaires, mais se sont concentrés sur la gravité de la menace sécuritaire et ont promis que des mesures ont été et seraient prises afin de contrôler ces abus à l’avenir », explique le rapport de HRW.
Pour l’ONG, Alassane Ouattara doit tenir enfin ses « promesses maintes fois répétées de mettre fin à l’impunité. (…) La justice des vainqueurs et les abus généralisés » contre des pro-Gbagbo risquent de « replonger la Côte d’Ivoire dans le conflit ». De fait, aucune figure militaire du régime n’a été encore inquiétée par la justice ivoirienne, malgré les accusations de crimes commis durant la période postélectorale.
(Avec AFP)
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