Vatican : François, un pape pour le « Nouveau monde »
L’Argentin Jorge Mario Bergoglio a été élu pape, le 13 mars. Premier Latino-Américain, premier jésuite et même premier ressortissant d’un pays de l’hémisphère Sud à occuper cette fonction, le pape François symbolise la montée en puissance des catholiques non-européens au sein d’une Église confrontée à de multiples défis.
Après l’Amérique latine, l’Asie et, pourquoi pas l’Afrique ? En élisant un pape argentin, le 13 mars, les 115 cardinaux électeurs ont envoyé un message « politique » aux 2,2 milliards de chrétiens dans le monde, dont les trois quarts vivent hors d’Europe, et dont la moitié sont catholiques (1,2 milliard de personnes, soit 17,5 % de l’humanité).
Pour mesurer la portée d’une élection à bien des égards historique – dans le prolongement du renoncement surprise de Benoît XVI, le 28 février -, il suffit de rappeler que cela fait envion 1 000 ans qu’aucun pape non-européen n’avait été choisi. En outre – et c’est une première dans l’histoire : Jorge Maria Bergoglio est un jésuite, l’un des trois principaux ordres de l’Église.
À cela s’ajoute le fait que l’Argentin a plus de 75 ans (76 ans) et est de santé fragile – il a subi l’ablation d’une partie d’un poumon à l’âge de 20 ans. Autant d’éléments qui font que la surprise est totale chez la plupart des vaticanistes. Le nom de Bergoglio ne figurait même pas dans la liste des 15 favoris les plus fréquemment évoqués. « Qui rentre pape au Conclave en sort cardinal », dit le proverbe, qui s’est encore une fois vérifié – au plus grand bonheur des bookmakers.
"Continent de l’espérance"
Pourtant, selon des « indiscrétions » qui avaient filtré après le dernier conclave de 2005, Bergoglio avait déjà été le dernier cardinal en lice face à Benoît XVI, avant de se retirer de lui-même, humblement. Par ailleurs, un pape issu du Nouveau monde semble être un choix assez logique si l’on considère quelques statistiques religieuses. Les Amériques étaient déjà surnommées par Jean Paul II « continent de l’espérance », car celui-ci compte près de la moitié des catholiques du monde, avec quelque 580 millions de fidèles (contre 24% pour l’Europe, 17% pour l’Afrique et 12% pour l’Asie).
Le « symbôle Bergoglio » en est d’autant plus fort : face à la montée en puissance de l’islam (1,6 milliard de musulmans, soit 23,4 % de la population mondiale) et du protestantisme évangélique (37 % des chrétiens), l’Église revient à sa vocation première : l’évangélisation et l’exemple du Christ. À cet égard, le profil du nouveau pape est idéal : membre de la Compagnie de Jésus, l’homme est d’une grande humilité et reste proche des personnes défavorisées, comme en témoignent le choix de son nom (il souhaite qu’on l’appelle simplement François, et non François Ier), mais aussi ses premiers mots au balcon de la basilique Saint-Pierre de Rome, et surtout sa manière de vivre, sobre et dépouillée de toute ostentation.
Il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969, tout juste avant ses 33 ans.
Né le 17 décembre 1936, à Buenos Aires, le pape est lui-même issu d’une famille modeste. Son père est d’origine italienne, employé des chemins de fer. Le jeune Bergoglio fréquente l’école publique et obtient un diplôme de technicien en chimie. C’est à 22 ans qu’il intègre la Compagnie de Jésus, où il obtient une licence de philosophie. Après un détour par l’enseignement privé (ses spécialités sont la littérature et la psychologie), il suit des études de théologie avant d’être finalement ordonné prêtre le 13 décembre 1969, tout juste avant ses 33 ans.
Comme la plupart des jésuites, Jorge Mario Bergoglio est un intellectuel austère et peu bavard. Mais il gagne l’affection de ses ouailles par la vie simple qu’il mène, notamment en tant qu’archevêque de Buenos Aires et primat d’Argentine. Il se déplace en métro, voyage en bus et passe ses week-ends dans les paroisses défavorisées, au contact des prêtres des bidonvilles. Un jour, il choisit même de loger chez l’un de ces derniers, menacé de mort par des narcotrafiquants. Une autre fois, il lave ostensiblement les pieds de malades atteints du sida.
Les premiers mots du pape François, au balcon de la basilique Saint-Pierre de Rome, au Vatican, le 13 mars :
Non politisation
De tendance sociale, Bergoglio se tient cependant à l’écart de la fameuse « théologie de la libération » qui séduit nombre de ses frères jésuites. Pendant la dictature militaire en Argentine (1976-1983), il se bat pour conserver l’unité de son ordre en luttant pour maintenir sa non-politisation. Cette distance par rapport à la politique sur la nature du pouvoir et son attachement à la neutralité de l’Église dans les luttes civiles sera évidemment un argument de taille en sa faveur pour le conclave.
Autre atout : ce n’est pas non plus un « progressiste » dans la doctrine religieuse. En 2010, il s’oppose avec vigueur à la loi légalisant le mariage homosexuel en Argentine, pays où l’avortement est interdit. Il est aussi vent debout contre le droit octroyé aux transsexuels de faire enregistrer ce changement à l’état civil. Mais en septembre 2012, il critique les prêtres qui refusent de baptiser les enfants nés hors mariage, et n’hésite pas à les qualifier d’ « hypocrites ».
Reste que si le pape est connu pour ne pas faire de politique autre que sociétale, il dénonce avec force le néocapitalisme, l’idéologie de l’accumulation de biens à outrance, la corruption de la classe politique et la crise des valeurs de la société argentine. Il devrait donc être « le pape des pauvres », près du quart de l’humanité vivant encore sous le seuil de pauvreté. Mais aussi le pape du trait d’union entre le Vieux et le "Nouveau monde" (au sens large) : l’Argentine, son pays d’origine, est souvent qualifiée de pays plus européen de l’hémisphère Sud.
(Avec AFP)
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