Mali – Me Coulibaly : « Boukary Daou n’est pas en liberté provisoire, il est en liberté »
« Coupable » d’avoir publié dans son journal une lettre ouverte mettant en cause les avantages accordés au capitaine putschiste Sanogo, le directeur de publication du « Républicain », Boukary Daou, a été arrêté par la Sécurité d’État et détenu pendant 27 jours. Une sérieuse violation de la liberté de la presse et de l’État de droit au Mali, sur laquelle revient son avocat, Me Lamissa Coulibaly.
Le journaliste et directeur de publication du quotidien malien "Le Républicain", Boukary Daou, est sorti de prison le 2 avril. En violation de la loi, Boukary Daou avait été enlevé le 6 mars dernier et séquestré par la Sécurité d’État (SE), les services de renseignement maliens. Qui lui reprochaient la publication d’une lettre ouverte adressée au président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, et signée d’un certain capitaine Touré, lequel dénonçait les avantages accordés au capitaine Amadou Haya Sanogo, l’auteur du putsch du 22 mars ayant renversé l’ex-président Amadou Toumani Touré. Me Lamissa Coulibaly, l’avocat de Boukary Daou, explique la situation de son client.
Jeune Afrique : Pourquoi Boubary Daou a-t-il été détenu pendant 27 jours, alors que la loi malienne dit qu’en cas d’infraction, un journaliste doit être libre jusqu’à son jugement ?
Me Lamissa Coulibaly (en photo, ci-contre) : Ce qui n’est pas normal, c’est qu’il a été détenu par la Sécurité d’État. Ce service n’est pas celui d’une enquête judiciaire. Au Mali, depuis la réforme du Code pénal en 2001, la liberté est la règle et la détention l’exception. Il aurait dû comparaître libre devant le juge. La détention ne pouvait s’expliquer que parce qu’on pensait qu’étant en liberté, il pouvait faire en sorte que les preuves de l’infraction disparaissent… Or cette liberté ne pouvait nuire à la manifestation de la vérité, d’autant que mon client demeure innocent jusqu’à preuve du contraire.
Pendant sa deuxième nuit de détention, il a été cagoulé pendant toute la nuit, puis interrogé. Il était menotté, enchainé, torse nu.
Boukary Daou a-t-il subi des violences physiques lors de sa détention dans les locaux de la SE, entre le 6 et le 14 mars ?
Pendant sa deuxième nuit de détention, il a été cagoulé pendant toute la nuit, puis interrogé. Il était menotté, enchainé, torse nu. Mais il n’y a pas eu de coup de matraque, de bottes, de crosse…
Qu’est-ce la justice malienne lui reproche ?
Elle lui reproche deux infractions tirées de la loi de la presse. La première est l’incitation au crime et au délit par le fait d’avoir publié un article qui pourrait conduire les militaires à ne plus respecter les consignes de leurs chefs hiérarchiques. La deuxième est celle de la diffusion de nouvelle fausse. On estime que l’article publié est basé sur des informations erronées et qu’il peut atteindre au moral des forces armées de sécurité.
Je ne crois pas à la consistance de ces infractions. Et je dois vous préciser que Boukary Daou n’est pas en liberté provisoire, il est en liberté, et celle-ci n’a été subordonnée à aucune condition, ni versement de caution, ni contrôle judiciaire. [Voir le document ci-dessous, NDLR]
Le jugement est fixé au 16 avril prochain. Quelle peine encourt-il ?
Jusqu’à 3 ans de prison, mais je suis optimiste sur le fait qu’il sera déclaré non coupable.
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Propos recueillis par Baba Ahmed, à Bamako
Le compte-rendu de l’audience du 2 avril.
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