Centrafrique – François Bozizé : « Je ne me reproche rien »

Renversé le 24 mars par la coalition rebelle de la Séléka, le président déchu de Centrafrique, François Bozizé, s’est exilé à Yaoundé au Cameroun. C’est dans son hôtel, qu’il a accepté de répondre aux questions de « Jeune Afrique », le 3 avril.

Le président déchu François Bozizé. © Vincent Fournier pour J.A.

Le président déchu François Bozizé. © Vincent Fournier pour J.A.

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 10 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Michel Djotodia [le président autoproclamé de Centrafrique] a proposé une transition de 3 ans qui a été réduite par les chefs d’États de la CEEAC à un an. Est-ce de bon augure pour la transition ?

François Bozizé : Je n’ai pas confiance en ce monsieur [Michel Djotodia]. Il n’a pas respecté les décisions de N’Djamena, ni les accords de Libreville. Il a traversé la ligne rouge de Damara, violant ainsi les accords qu’il avait librement signés. Après avoir pillé, tué, violé, les rebelles arrivent au pouvoir. Où est le sérieux dans cette affaire ? C’est du banditisme. Les Centrafricains n’accepteront pas cela.

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Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de ne pas avoir respecté les accords de Libreville ?

Que c’est pur mensonge. C’est une propagande qui visait à créer les conditions de la situation actuelle et à justifier le coup de force. J’ai respecté les accords. En revanche, il n’est dit nulle part dans cet accord qu’il faut chasser Bozizé. Le texte que nous avons signé ne remettait pas en cause la Constitution. Il était question de former un gouvernement d’union nationale. Pas un gouvernement Séléka. C’est ce que j’ai appliqué en mon âme et conscience. Je ne me reproche rien.

Que préconisez-vous aujourd’hui ?

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Il faut nécessairement organiser une conférence nationale pour que le pays reparte sur de nouvelles bases. L’opposition, la société civile et les autres forces vives doivent s’exprimer. Il n’est pas question de laisser le règlement de ce problème à un groupuscule de 4 ou 5 personnes, fussent-elles des chefs d’État. C’est au peuple de s’exprimer. Il faut mettre en place un programme consensuel. Mais pour y arriver, il faut rétablir la sécurité. C’est pourquoi je souhaite que les armées française et sud-africaine se chargent de protéger les populations en attendant que d’autres forces de maintien de la paix viennent les soutenir.

Ce n’est pas mon peuple qui m’a chassé, mais des forces étrangères.

Êtes-vous prêt à vous présenter à nouveau si une élection présidentielle était organisée ?

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Si l’occasion se présente, oui. Si mon parti me le demande, oui. J’ai quitté mon pays dans les conditions que l’on sait. Ce n’est pas mon peuple qui m’a chassé, mais des forces étrangères. On a remis en cause l’ordre constitutionnel alors que j’exerçais mes fonctions de chef de l’État, démocratiquement élu à deux reprises. 

Quels sont vos projets ?

Pour le moment j’ai demandé aux autorités camerounaises de me donner le temps de rassembler toute ma famille. Quelques-uns sont encore au pays et ont des difficultés à voyager. Lorsque ce problème sera résolu, j’informerai les autorités camerounaises du choix de mon pays d’accueil.

Est-ce que vous sentez trahi ?

Plus qu’ailleurs, la trahison est le lot de la politique africaine. Que peut-on y faire ? C’est ainsi. Dans le cas de mon pays, nous avons connu plusieurs soubresauts et ce n’est pas le dernier. Nous laissons tout cela entre les mains de Dieu.

Vos pairs d’Afrique centrale auraient-ils pu ou dû agir autrement ?

C’est à eux de faire leur examen de conscience. Moi, je n’ai rien à me reprocher et je le redis, ce n’est pas mon peuple qui m’a chassé. Tout ce que je peux dire pour l’instant, c’est que la situation est encore confuse.

Comment jugez-vous l’attitude de l’opposition politique ?

C’est douloureux d’en parler. Imaginez-vous que depuis son poste à Bangui, l’actuel Premier ministre [Nicolas Tiangaye, NDLR], coordonnait les mouvements des troupes de la Séléka en marche pour attaquer la capitale. Lui qui disait faire partie de l’opposition démocratique… Lui qui est aussi l’ancien président national de la Ligue des droits de l’homme de Centrafrique ! Que dit-il des pillages et des tueries perpétrées par ses camarades à travers tout le pays ?

Aux Centrafricains, je demande de garder espoir et d’être courageux.

Quelle leçon tirez-vous de ces événements ?

Je demande aux Centrafricains de garder espoir et d’être courageux. Il faut faire barrage à tous les ennemis de la République pour rétablir la souveraineté de notre pays. J’ai exercé pendant dix ans et malgré les difficultés rencontrées, il semble bien que le pays avançait dans la bonne direction. Les Centrafricains feront la comparaison avec ceux qui se sont emparés du pouvoir. Par la suite, le peuple décidera.

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 Propos recueillis à Yaoundé par Georges Dougueli

 

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