Côte d’Ivoire : comment l’aile radicale des pro-Gbagbo opère au Ghana, selon l’ONU
Rendu public dimanche 28 avril, le deuxième rapport du groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire mandaté par le Conseil de sécurité des Nations unies détaille le mode opératoire de « l’aile radicale du mouvement pro-Gbagbo » au Ghana.
Le groupe d’experts (GoE) sur la Côte d’Ivoire mandaté par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui accréditait en octobre 2012 la thèse d’un commandement stratégique pour renverser le président Ouattara, persiste et signe : « L’aile radicale du mouvement pro-Gbagbo » présente au Ghana « est une structure politique et militaire qui reçoit l’aide financière d’anciennes personnalité du régime de Laurent Gbagbo et qui a pour objectif de renverser le gouvernement par la violence ».
« Ces groupes ont les moyens de mener des opérations militaires à l’aide d’armes et de matériel connexe qu’ils se procurent dans le non-respect total du régime de sanctions, ainsi que de recruter des combattants, en Côte d’Ivoire et ailleurs, » poursuit le rapport rendu public dimanche 28 avril. Les cinq experts onusiens concèdent tout de même que la mouvance radicale a été considérablement affaiblie par « l’augmentation de la pression exercée par les responsables ghanéens, alliée à la coopération et à la mobilisation constructive des autorités ivoiriennes, libériennes ».
Face à cette évolution, qui a notamment conduit à l’arrestation de Charles Blé Goudé, « l’aile radicale s’est réorganisée en cinq factions », à partir d’octobre 2012. Depuis, certaines ont été décapitées : c’est le cas de celle que dirigeait le commandant de gendarmerie Jean-Noël Abéhi, ex-patron de l’escadron blindé d’Agban resté fidèle à Laurent Gbagbo jusqu’à la fin et dont l’exil au Ghana a pris fin le 4 février. Selon les experts de l’ONU, celui qui est poursuivi par la justice ivoirienne pour désertion et crimes commis lors de la crise postélectorale dirigeait un groupe de quatre hommes, dont trois ont également été arrêtés.
Factions
Les quatre autres « factions » répertoriées dans le rapport sont respectivement dirigées par le colonel Alfonse Gouanou (ex-commandant de la région militaire de Daloa), Damana Pickass (président de la Coalition des patriotes ivoiriens en exil – Copie), Didier Goulia (ancien responsable des douanes), et par un certain « major Bamba ». Selon le rapport, « la faction du colonel Gouanou reçoit l’aide financière de l’ancien ministre du budget, Justin Koné Katinan, de son avocate, Lucie Bourthoumieux, et de l’ancien ministre du commerce, Touré Amara ». De son côté, Damana Pickass est notamment appuyé par Ahoua Don Mello, le porte-parole de l’ex-gouvernement Aké N’Gbo (Premier ministre du dernier gouvernement de Gbagbo).
Le rapport décrypte « le modus operandi » de l’aile dure pro-Gbagbo. Communiquant par téléphones satellitaires Thuraya, « ces factions ont violé à maintes reprises le régime des sanctions en menant des opérations militaires sur le territoire ivoirien. (…) Les combattants qui y sont entrés munis d’armes et de munitions étaient également en possession d’argent liquide visant à financer le recrutement d’autres combattants et l’achat d’armes et de matériel connexe dans le pays ».
D’après les informations du GoE, c’est du Ghana que les fonds et la stratégie à suivre étaient transmis « aux chefs des mercenaires basés au Libéria ou aux chefs militaires infiltrés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire afin qu’ils lancent le processus de recrutement. » C’est grâce à ce processus que les attaques de Para, Sao et Nigré (proche de la frontière libérienne) ont été menées dans la nuit du 7 au 8 juin 2012. Arrêté un mois après, Moses Sarpee, l’un des chefs des commandos libériens a révélé aux services ivoiriens avoir eu des contacts avec des financiers ivoiriens « desquels ils recevaient des fonds destinés au recrutement des combattants et à l’achat d’armes ».
Dans un document des services de renseignements que les experts se sont procuré, Moses Sarpee affirme que Damana Pickass, avec qui il dit avoir eu des contacts directs, en est l’un des instigateurs et « le principal pourvoyeurs de fonds ». Le leader de la Copie a toujours réfuté ces accusations.
Capture d’écran d’un document des services secrets ivoiriens mentionnant Damana Pickass.
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Par Vincent Duhem
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