RDC – Belgique : Albert II, les Congolais et le devoir de mémoire
Albert II, le roi des Belges, a annoncé son « intention » de passer le flambeau à son fils, le prince héritier Philippe, le dimanche 21 juillet. En près de deux décennies de règne, il n’aura visité officiellement la RDC qu’une seule fois. Que retiendra-t-on de sa relation avec l’ancienne colonie belge, autrefois propriété privée de Léopold II, son arrière-grand oncle ?
Une seule visite officielle en RDC en près de vingt ans de règne. Albert II, le roi des Belges, n’aura pas beaucoup fréquenté l’ancienne « propriété privée » de son arrière-grand oncle Léopold II, également ex-colonie de la Belgique (1908-1960). Une présence bien discrète pour un monarque pourtant décoré, dès 1969, alors qu’il n’était que prince, du Grand cordon du léopard, lors de sa première visite au Congo indépendant…
Extraits de la cérémonie en images
Il a fallu attendre les festivités du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, en 2010, pour voir de nouveau Albert II fouler le sol congolais. « C’est le seul moment marquant dans sa relation de roi des Belges avec le Congo », souligne Pierre Verjans, membre de la Cellule d’appui politologique Afrique-Caraïbes (Capac) de l’Université de Liège, qui s’intéresse au microcosme politique belgo-congolais.
"Fin d’une époque"
« Sa présence à Kinshasa était appréciable parce qu’elle témoignait aux Congolais le soutien de la Belgique au processus de démocratisation du pays », explique le chercheur. Malheureusement, le roi évitera toute prise de parole en public tout au long de son séjour. « Un silence abasourdissant », regrette Pierre Verjans, rappelant que la population congolaise voulait, elle, « entendre le roi des Belges » sur plusieurs questions : politique interne, relation avec la Belgique, situation sécuritaire dans la région des Grands lacs…
L’occasion ne se présentera pas une deuxième fois puisque le roi des Belges a annoncé son « intention d’abdiquer le 21 juillet » en faveur de son fils aîné Philippe. « C’est la fin d’une époque », lâche, ému, Lambert Mende.
"Albert II a plusieurs fois pesé de son poids symbolique pour le financement de certains projets en RDC."
Pour le porte-parole du gouvernement congolais, le « roi qui se retire » avait toujours eu une « sensibilité » aux problèmes sociaux auxquels la RDC est souvent confrontée. « Il a plusieurs fois pesé de son poids symbolique, dans les limites de son pouvoir royal, pour le financement de certains projets de la coopération belge au Congo », assure-t-il, faisant notamment allusion à la réhabilitation en 2010 du centre hospitalier Roi Baudouin à Masina, dont la première pierre avait été posée en 1985 par le frère aîné du roi Albert II.
Devoir de mémoire
Aux yeux de l’historien d’origine congolaise Elikia M’Bokolo en revanche, « les Congolais sont plutôt indifférents » à l’égard du roi Albert II. Et « son abdication est un non événement pour la RDC », ajoute le spécialiste de l’histoire africaine qui présente, chaque semaine, l’émission Mémoires d’un continent sur les ondes de RFI.
« N’oublions pas que Albert II est un descendant de Leopold II, celui-là même qui a commis des crimes innombrables en RDC, alors État indépendant du Congo, sa propriété. Toute la fortune de cette famille royale en Belgique vient des pillages des ressources naturelles congolaises », rappelle Elikia M’Bokolo, regrettant que « les dirigeants congolais [soient] moins engagés sur les enjeux de mémoire ». Un terrain glissant sur lequel Congolais et Belges sont encore loin de se mettre d’accord.
« L’ensemble des décideurs belges par exemple admettent que beaucoup de fautes ont été commises au Congo à l’époque du roi Léopold II, mais ils restent convaincu que le souverain a également permis l’accession de cette partie de l’Afrique à la modernité », explique le chercheur Pierre Verjan. « Cette position n’est cependant pas largement soutenue par l’opinion publique belge », précise-t-il.
L’Histoire retiendra, elle, que c’est sous le règne du roi d’Albert II que « la Belgique a assumé, en 2001, sa responsabilité en tant qu’État dans la participation des Belges – alors commis à des fonctions publiques – dans tout le processus de l’assassinat du premier Premier ministre congolais, Patrice Lumumba », note Pierre Verjan. Une première pierre sans doute dans le « chantier de devoir de mémoire » entre les deux pays.
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Par Trésor Kibangula
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