Italie : Roberto Calderoli, un expert ès racisme face à Cécile Kyenge
En Italie, la ministre de l’Intégration d’origine congolaise, Cécile Kyenge, fait toujours l’objet des attaques racistes les plus scandaleuses. Cette fois, c’est au tour du vice-président du Sénat, Roberto Calderoli, de la comparer à un « orang-outan ».
C’était à prévoir, tant la Ligue du Nord, parti indépendantiste, raciste et xénophobe d’Italie du Nord est coutumière du fait. Le 13 juillet 2013, devant près de 1 500 personnes, lors d’un rassemblement du parti à Treviglio, près de Bergame, le vice-président du Sénat, Roberto Calderoli, s’en est pris à la cible préférée des attaques racistes en Italie, ces derniers mois : la ministre de l’Intégration, Cécile Kyenge, d’origine congolaise.
« Quand je vois des images de Kyenge, je ne peux m’empêcher de penser à un orang-outan », a-t-il lancé, sans sourciller. L’ancien ministre des Réformes institutionnelles a aussitôt provoqué la mobilisation des défenseurs de Cécile Kyenge, au premier rang desquels le président de la République, Giorgio Napolitano, et le chef du gouvernement, Enrico Letta, qui ont dénoncé des paroles « inacceptables ». L’intéressé s’est justifié en disant qu’il n’avait fait que se prêter à une simple « plaisanterie ».
Le consulat de Benghazi incendié
Si Cécile Kyenge n’affronte pas sa première attaque – il y a quelques semaines, une élue du Nord regrettait par exemple qu’elle n’ait « jamais été violée » – Calderoli n’est pas non plus un novice. En 2006, alors que l’affaire des caricatures de Mahomet bat son plein, le bouillant Roberto demande au pape Benoît XVI de lancer une croisade moderne contre les musulmans. Ni plus, ni moins. « Il faut en finir avec cette fable qu’il faut rechercher le dialogue avec ces gens-là », explique-t-il, le 14 février 2006. « Heureusement qu’en Europe, il y a encore des dirigeants comme le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel qui disent que nous, Européens, n’abandonnerons pas nos modèles de vie ». Et de conclure : « il faut en finir avec cette tendance à baisser les pantalons et avec les distinctions hypocrites entre islam terroriste et islam pacifique »…
Faute de croisade papale, c’est surtout un combat personnel que va mener Carderoli. Deux jours plus tard, le 26 février, il apparaît à la télévision en arborant un t-shirt représentant le Prophète, devant les caméras du journal de 20 heures sur la première chaîne de la Rai. Un immense scandale : dès le lendemain, le consulat italien de Benghazi, en Libye, est incendié. Les policiers libyens sont obligés d’ouvrir le feu pour protéger le consul d’Italie menacé de lynchage. Devant le tollé, Silvio Berlusconi demande la démission de Carderoli, qui accepte de se démettre au terme d’une réunion extraordinaire de la direction de la Ligue du Nord.
"Si certains préfèrent la Mecque à Bethléem"
Seulement, pour Carderoli, l’année 2006 est loin d’être achevée. Il frappe à nouveau, sur un autre terrain – de sport celui-là. Alors que l’Italie vient de battre la France aux tirs au but lors de la finale de la coupe du monde de football, et que toute la planète a encore les yeux rivés sur le duo Zidane-Materrazi, l’élu transalpin s’enfonce dans un racisme on ne peut plus primaire. Pour lui, l’Italie vient de battre « une équipe qui, pour obtenir des résultats, a sacrifié son identité en alignant des nègres, des musulmans et des communistes ». Il persiste, le 11 juillet 2006 : « C’est une victoire de l’identité italienne, d’une équipe qui a aligné des Lombards, des Napolitains, des Vénitiens et des Calabrais et qui a gagné contre une équipe de France qui a sacrifié sa propre identité en alignant des Noirs, des islamistes et des communistes pour obtenir des résultats. »
Après avoir reçu les protestations de l’ambassadeur de France en Italie, Yves Aubin de Messuzière, Calderoli s’explique. « Quand je dis que l’équipe de France est composée de Noirs, d’islamistes et de communistes, je dis une chose objective et évidente. (…) La France est une nation multiethnique, vu son passé colonialiste, ce dont je ne serais pas fier. Mais ce n’est pas ma faute si certains sont restés perplexes devant une équipe qui a aligné sept noirs sur onze joueurs, si Barthez chante l’Internationale au lieu de la Marseillaise et si certains préfèrent la Mecque à Bethléem », dit-il alors. Sept ans plus tard, Cécile Kyenge n’est, au fond, que la dernière cible de la longue et nauséabonde croisade personnelle de Calderoli contre des démons imaginaires.
Par Mathieu OLIVIER
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