Christophe Lutundula : « On ne touchera pas à l’article 220 de la Constitution » de la RDC
Il fait partie des 15 membres de la Majorité présidentielle qui ont participé aux préparatifs des « concertations nationales » en RDC, avec des délégués de l’opposition, de la société civile, des institutions publiques… De passage à Paris, le député congolais Christophe Lutundula, ancien vice-président de l’Assemblée nationale, a livré à « Jeune Afrique » son regard sur les assises qui s’ouvrent le 7 septembre à Kinshasa. Interview.
Face à la crise au Kivu, les Congolais se retrouvent, à partir du 7 septembre, à Kinshasa pour des "concertations nationales". Convoquées par le président Joseph Kabila, celles-ci sont destinées notamment à "consolider la cohésion nationale" et "[à] renforcer et étendre l’autorité de l’État sur le territoire national en vue de mettre fin aux cycles de violences dans l’est du pays", précise l’ordonnance présidentielle.
Seulement voilà, tout le monde ne voit pas ce forum d’un bon œil. Certains partis politiques de l’opposition ont ainsi décidé de ne pas y participer, à l’instar de l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe et de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi. Des "calculs politiciens", selon Christophe Lutundula. Le député de la Majorité présidentielle, qui a participé de bout en bout aux travaux préparatoires des "concertations nationales", revient sur les enjeux de ce énième dialogue intercongolais.
Jeune Afrique : L’absence aux "concertations nationales" d’Étienne Tshisekedi et de Vital Kamerhe, arrivés deuxième et troisième à la dernière présidentielle controversée de 2011, ne risque-t-elle pas d’affecter l’objectif de "cohésion" recherché ?
Christophe Lutundula : Étienne Tshisekedi et Vital Kamerhe refusent d’eux-mêmes de participer aux "concertations nationales". C’est de leur droit et je le respecte. Mais, ne faisons pas du mobutisme sans Mobutu : on ne peut pas aujourd’hui ramener le destin d’un peuple à la dimension de deux individus, fussent-ils les plus populaires. Leur refus doit être interprété comme un défi qu’ils nous lancent. À l’issue de ce forum national, nous devrons donc être en mesure de présenter des résolutions crédibles et conclure un pacte républicain renouvelé. Un des objectifs primordiaux de ces assises doit être celui de faire bien fonctionner les institutions issues des élections chaotiques de 2011 et faire en sorte que les prochains scrutins soient les plus transparents et les plus crédibles possibles.
Pourquoi la majorité s’est-elle opposée à la médiation de Mary Robinson, envoyée spéciale de l’ONU pour les Grands Lacs, et de Martin Kobler, le représentant du secrétaire général des Nations unies en RDC, comme l’exigeaient certains partis d’opposition ?
Ni Martin Kobler ni Mary Robynson, personne n’est proconsul en RDC.
C’est en décembre que le président Joseph Kabila a annoncé son intention de convoquer les "concertations nationales", bien avant l’accord-cadre d’Addis-Abeba, signé le 23 février, et la résolution 2098 du Conseil de sécurité, deux instruments auxquels certains partis ont tenté d’attribuer, à tort, l’initiative de ce forum national. Car nulle part dans ces deux textes, on ne désigne ces deux personnalités comme "facilitateur" ou "médiateur". Ni Martin Kobler, ni Mary Robynson, ni personne d’autre n’est proconsul en RDC.
Certains craignent que le pouvoir ne profite de ces assises pour modifier l’article 220 de la Constitution qui limite à deux les mandats du président de la république.
Les concertations ne sont pas un espace de conquête du pouvoir.
Les "concertations nationales" ne sont pas un espace de conquête ni de conservation du pouvoir. On n’y vient pas pour renforcer Joseph Kabila, encore moins pour s’affirmer. L’article 220 de la Constitution constitue la synthèse de tous les acquis de la lutte pour les libertés depuis Lumumba. On n’y touchera pas. Et Joseph Kabila en est conscient. D’ailleurs, il n’y a aucune thématique dans les "concertations nationales" qui conduit à la modification de cet article.
Une déclaration de Joseph Kabila sur la question rassurerait tout le monde, dit-on…
Comme elle peut également provoquer un séisme sur la scène politique congolaise. Tous ceux qui s’agitent pour que Joseph Kabila se prononce, ne cherchent qu’à déclencher des luttes pour le pouvoir. Cela est valable pour l’opposition comme pour la majorité.
L’après-Kabila serait-il un sujet tabou ?
À peine une année et demie du second mandat de Joseph Kabila s’est écoulée. Au moment où le pays est confronté à la guerre, la priorité serait-elle à la succession de Kabila ou au rétablissement de l’État pour créer des conditions sereines de l’après-Kabila ? C’est une question de responsabilité.
La "cohésion nationale" recherchée débouchera-t-elle sur un nouveau gouvernement d’union nationale ?
Ce ne serait pas une première dans l’histoire dans la RDC. C’est légitime pour un pouvoir démocratique d’élargir sa base politique par de nouveaux pactes de gouvernance. Mais, il ne s’agira pas de partage de gâteau comme à Sun City en 2003 [dialogue intercongolais qui avait consacré la formule 1 + 4 : un président et quatre vice-président, NDLR]. Aujourd’hui en RDC, former un gouvernement ne peut se faire que dans le cadre de la majorité parlementaire. Si un parti d’opposition rejoint la majorité, il sera normal d’apporter quelques ajustements à l’actuel gouvernement.
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Propos recueillis par Trésor Kibangula
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