Insécurité : le nord du Mali face aux coupeurs de routes
Alors qu’il avait presque disparu pendant l’occupation islamiste, le brigandage a repris de plus belle au Nord-Mali. Les attaques de bus et de camions de transport se multiplient, paralysant la libre circulation des hommes et des biens dans une région déjà très fragile.
Le 15 septembre, à 70 km au nord de la ville de Gao. Un camion transportant des marchandises pour le marché de Kidal est attaqué par des hommes en armes. Des caisses contenant des téléphones portables, des produits pharmaceutiques et d’autres produits onéreux sont emportées. L’armée malienne est dépêchée sur place, mais trop tard : elle ne peut que conduire le camion vide à Gao.
Depuis le départ des islamistes liés à Al-Qaïda, chassés par l’opération Serval au début de 2013, les braquages de camions se multiplient au nord du Mali. "Le phénomène est fréquent sur les axes Anéfis-Kidal, Anéfis-Djebok et Kidal-Gao, témoigne le capitaine Banfa Ballo, chef de la gendarmerie à Gao. Au début de septembre, une femme est venue déposer plainte suite à un braquage de véhicule de transport. On lui a volé 4 millions de F CFA alors qu’elle allait accoucher à l’hôpital de Gao. Il peut même y avoir des morts quand cela tourne mal", explique-t-il.
Mauvais souvenirs
Sur l’axe Gao-Kidal, nombre de chauffeurs de camions ont en tête de mauvais souvenirs. "À l’Oued Ibtakaw, à 60 km au nord d’Anéfis, au mois d’août, alors que nous revenions de Tessalit après avoir livré le ravitaillement des soldats tchadiens de la Minusma, des hommes armés juchés sur deux motos sont brusquement sortis de la forêt, explique Moussa Youssoussa, un camionneur de 56 ans. Ils ont pris nos téléphones portables et tout ce qu’on avait comme argent sur nous, puis nous ont gardés pendant 45 minutes. Ils nous ont laissé partir seulement lorsque d’autres camions sont arrivés, pour aller les braquer à leur tour", explique-t-il.
Le phénomène n’est pas nouveau mais en 2012, malgré le chaos dans le nord du Mali, les camions de transport n’étaient pas inquiétés. "Lorsque les islamistes étaient là, les brigandages avaient disparu. À l’époque, les voleurs vivaient sous la menace de voir leurs mains et leurs pieds amputés, et les islamistes les traquaient jusque dans leurs nids pour les arrêter", explique Akala Ag Hattoum, maire adjoint de Almoustarate, entre Bourem et Anéfis.
L’armée malienne au pied du mur
Une situation qui agace les forces de sécurité malienne car elle relève à 100% de leur compétence : ni la force Serval ni celle de la Minusma n’ont de mandat pour intervenir dans les cas de vols. "Pour le moment, nous n’avons pas fait de recherches pour arrêter ces bandits, on se concentre sur les villes. Chaque chose en son temps", grince le capitaine Banfa Ballo.
En attendant, les chauffeurs ont désormais peur de se rendre à Kidal, à tel point qu’il a fallu récemment l’intervention du syndicat des transporteurs de Gao pour convaincre 10 camionneurs de transporter le ravitaillement de la Minusma de Gao à Kidal.
"J’ai des amis qui ont été attaqués, et à chaque fois que je prends cette route, l’angoisse ne me quitte pas jusqu’à l’arrivée", raconte Mohamed Ibrahim, un apprenti chauffeur. Conclusion : l’État doit prendre au plus vite ses responsabilités en matière de sécurité… s’il ne veut pas que les populations du Nord ne regrettent un jour, d’une manière ou d’une autre, le départ des islamistes.
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Par Baba Ahmed, à Gao
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