« L’Afrique est notre avenir » : le rapport du Sénat français qui dynamite les idées reçues

Les sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel ont présenté, mercredi, un rapport ambitieux sur les relations entre la France et l’Afrique. Qui préconise, entre autres, la création d’un ministère autonome de la Coopération.

À la Coopération, Jean-Marie Bockel avait « signé l’acte de décès de la Françafrique ». © AFP

À la Coopération, Jean-Marie Bockel avait « signé l’acte de décès de la Françafrique ». © AFP

Publié le 30 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.

Mis à jour le 31/10 à 12h53

Le sénateur spécialiste de l’Afrique, Jeanny Lorgeoux, et l’ancien secrétaire d’État à la coopération, Jean-Marie Bockel, préconisent la création d’un ministère de la Coopération autonome. C’est l’une des 10 mesures prioritaires du rapport de la commission des affaires étrangères du Sénat présenté mercredi 30 octobre à Paris. "L’Afrique est notre avenir" : tel est le titre de ce rapport aux accents afro-optimistes dont Jeanny Lorgeoux a guidé l’écriture.

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Face au recul de la France dans une "Afrique convoitée", cette étude dresse un état des lieux en matière de coopération économique, culturelle, sécuritaire, et de développement. Un électrochoc voulu par les sénateurs, à la veille d’un sommet de l’Élysée consacré à l’Afrique, pour pointer le "manque de stratégie à long-terme" de la France et mettre sur la table des propositions pour y remédier et tenter de contrer l’influence de Pékin et de Washington sur le continent.

Au fil des dix mois de recherches et d’entretiens à Paris, Addis-Abeba, Pretoria et Johannesburg notamment, les sénateurs ont acquis la certitude que "la politique africaine de la France a évolué moins vite que l’Afrique elle-même".

Un autre discours sur l’Afrique

Le ministère de plein exercice dédié à la coopération, que les sénateurs appellent de leurs vœux, concentrerait les budgets et les compétences actuellement écartelés entre le ministre des Affaires étrangères et le ministère de l’Économie et des Finances. "On ne va pas ressusciter la cellule Afrique de la rue Monsieur", soulignent les deux principaux auteurs qui mettent l’accent sur la nécessité de tenir un autre discours sur l’Afrique.

Il faut se départir des préventions postcoloniales et voir l’Afrique comme un élément clé de notre avenir.

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"Il faut se départir des préventions postcoloniales et voir l’Afrique comme un élément clé de notre avenir", répètent-ils en cœur. Tout en nuançant : "C’est une bonne chose qu’il n’y ait plus de cellule africaine mais désormais chacun suit sa propre direction…" Cette mesure qui s’inscrit dans une démarche de réorganisation de la structure de la "Coopération" française s’accompagne d’un renforcement des attributions et des fonds propres de l’Agence française de développement (AFD).

Sur le terrain, le rapport préconise l’adoption d’une stratégie régionale en matière de diplomatie pour harmoniser les stratégies mises en œuvre, avec un ambassadeur chef de fil régional. "Ainsi, sur le Sahel, par exemple, on définit une ambassade chargée de concentrer les informations et les stratégies comme intermédiaire privilégié avec Paris et les autorités locales de la région".

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"Les Chinois chassent en meute"

D’un point de vue sécuritaire, les deux sénateurs insistent sur la nécessité de conserver les huit points d’appui militaire en Afrique (Abidjan, Dakar, la zone – à savoir Mali, Niger et Burkina Faso -, Libreville, Ndjamena, Bangui, Djibouti et La Réunion). Le groupe de travail appelle à une réflexion donnant lieu à l’écriture d’un livre blanc pour redéfinir la position stratégique de la France en Afrique.

Le volet économique est l’autre priorité majeure de ce rapport alors que la France est à la traine de la Chine, devenu le premier partenaire commercial de l’Afrique. "Les Chinois chassent en meute et nous devons nous réorganiser pour mieux défendre nos intérêts", explique Jeanny Lorgeoux. Le groupe de travail du Sénat insiste sur la nécessité d’associer les petites et moyennes entreprises (PME) aux démarches des grands groupes présents en Afrique, tout en appelant à plus de transparence. "Il est naturel que des grands groupes comme Areva aient toute leur place en Afrique, mais nous avons tout à gagner à plus de transparence", insistent les sénateurs.

>> Lire aussi France – Afrique : pour le Sénat, il faut faire de l’économie une priorité

Autre dossier sensible : l’immigration. Sur ce plan, le groupe de travail est sans équivoque. "Notre politique d’accueil a été inacceptable et irrespectueuse", ont déclaré les deux sénateurs qui appellent à un assouplissement de la politique menée jusque là. Quitte à octroyer un visa à durée illimitée à des docteurs d’université françaises et à instaurer des visas pluriannuels prenant en compte des variables telles que la durée des études, l’expérience professionnelle pour les jeunes diplômés, etc…

Une solution à long terme, soulignent les auteurs du rapport, réside dans le développement harmonieux de l’Afrique. Sur le plan de l’éducation, ils préconisent la valorisation de la francophonie et la création d’une grande université francophone pilote, à l’image de l’université Paris Sorbonne-Abou Dhabi. Dakar est évoqué pour accueillir ce campus.

Mais le rapport d’information ambitionne de servir d’élément de réflexion et d’orientation à long terme pour combler un vide patent de la direction de la politique française en Afrique. Il a été remis mercredi au ministère des Affaires étrangères, qui a suivi de près sa rédaction. Jean-Marie Bockel et Jeanny Lorgeoux espèrent, eux, qu’il sera lu et entendu à la présidence de la République.

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