RDC : l’homosexualité bientôt criminalisée ?
La RDC n’a pas de disposition législative particulière concernant l’homosexualité et la transsexualité. Une sorte d’exception, sur le continent africain, qui pourrait bientôt prendre fin avec la proposition de loi d’un député du Parti travailliste, Steve Mbikayi.
La RDC va-t-elle finalement criminaliser l’homosexualité et la transsexualité ? C’est l’objectif de Steve Mbikayi, député du Parti travailliste et porte-parole de la Coalition pour le vrai dialogue de Vital Kamerhe. En réponse à l’absence de législation sur le sujet, celui-ci a déposé, le 13 décembre 2013, une proposition de loi comprenant 38 articles, sur le bureau du président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku.
Un ensemble de mesures pour le moins radicales. En effet, si la proposition de loi était adoptée, les homosexuels et transgenres congolais risqueraient tout simplement la prison ferme. "J’ai voulu prévenir l’avancée de l’homosexualité", explique à Jeune Afrique Steve Mbikayi. "Je crois qu’il y a un danger réel pour la RDC et j’ai le soutien de la grande majorité de la population", assure le député natif du Kasaï, qui rappelle que cette "initiative personnelle est une promesse de campagne faite à sa base, de lutter contre les antivaleurs venues de l’extérieur".
Amalgame
Des arguments qui sont loin d’être originaux et qui font de l’homosexualité une "valeur" occidentale, que le député propose de soigner. "Lorsque les penchants homosexuels sont consécutifs à un trouble hormonal inné ou acquis, l’État se doit de couvrir à concurrence des trois quarts le montant des soins médicaux", explique-t-il, dans une curieuse analyse scientifique. Si ces arguments étaient entendus, ils pourraient surtout coûter cher aux homosexuels, transsexuels ou simples adeptes du déguisement féminin plutôt populaires dans certaines émissions de télévision congolaises, comme le comédien Mike La Duchesse, révélé par la troupe de théâtre Cinarc. De fait, la proposition prévoit de punir aussi "la promotion (…) de l’homosexualité", en l’occurrence : "les manifestations publiques homosexuelles (gay pride, marches, affichages…), les réunions homosexuelles, la publicité à caractère ou à tendance homosexuelle, l’adoption des enfants par des homosexuels".
"L’apologie de l’homosexualité, par tous les moyens, est interdite", résume l’auteur du texte, qui détaille ensuite pour Jeune Afrique les peines prévues dans sa proposition de loi. Et celles-ci sont loin d’être symboliques :
– "Commettre un acte homosexuel : 3 à 5 ans de prison + une amende de un million de francs congolais" (environ mille euros).
– "Choisir un sexe autre que celui dont la nature vous a doté : 3 à 12 ans de prison + une amende".
– Mariage homosexuel contracté par tromperie : 5 à 15 ans de prison + une amende.
– Tout parent qui cède son enfant à un homosexuel ou un couple d’homosexuels : 5 a 10 ans de prison.
– Tout parent qui soumet son enfant ou l’enfant sous sa garde à des pratiques homosexuelles : 5 à 10 ans de prison + une amende.
– Toute personne qui exerce une quelconque autorité sur un mineur et qui l’aura donné en mariage avec une personne du même sexe que lui : 10 à 15 ans de prison + une amende.
Un recul
Le projet se fonde donc sur le rejet d’un curieux mélange d’homosexualité, de transsexualité mais également de pédophilie ou de mariage forcé, deux crimes qui tombent pourtant déjà sous le coup de la loi congolaise. Si la proposition était adoptée (elle pourrait être examinée dès le premier trimestre 2014), elle renverrait ainsi la RDC dans le groupe des 38 pays pénalisant l’homosexualité en Afrique. Au même niveau, en ce qui concerne la peine de prison encourue, que des pays comme le Cameroun ou le Sénégal.
>> Voir la carte des législations en vigueur sur le continent <<
Cela fait pourtant plus d’une décennie que Mike La Duchesse joue sur scène, avec succès, un personnage homosexuel, rôle dont il est le précurseur dans l’histoire du théâtre populaire congolais. "Il va y avoir une pression internationale, plusieurs ambassades m’ont déjà appelé", ajoute Steve Mbikayi. Qui conclut, prenant à témoin environ 70 millions de Congolais : "Ce sera un combat que l’opinion congolaise remportera". Pour les homosexuels et transsexuels de RDC, l’avenir pourrait être bien sombre.
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Par Mathieu OLIVIER
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