RDC : ce que l’on sait du prochain rapport de l’ONU

Encore confidentiel, le rapport final des experts de l’ONU sur la RDC apporte de nouvelles révélations… Sur ses accusations de soutien « continu » du Rwanda au M23, mais aussi sur l’affaiblissement des FDLR, la menace ADF, ou l’appui présumé de l’ancien chef de la police congolaise, John Numbi, aux miliciens Kata Katanga.

Un soldat de l’armée congolaise en patrouille près de Goma, le 29 novembre 2011. © AFP

Un soldat de l’armée congolaise en patrouille près de Goma, le 29 novembre 2011. © AFP

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Publié le 7 janvier 2014 Lecture : 6 minutes.

Si le dernier rapport d’experts onusiens sur la situation sécuritaire en RDC n’est pas encore rendu public, on commence à en savoir un peu plus sur ce qu’il contient. Soumis pour examen aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies, le document a fait l’objet de nouvelles fuites. Et l’on sait désormais qu’il apporte des précisions importantes non seulement sur ses accusations de "soutien continu" du Rwanda aux rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), mais également sur la nature des groupes armés qui demeurent une "menace à la sécurité" en RDC. Le point en quatre questions.

Quelles accusations de "soutien continu" du Rwanda au M23 ?

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À en croire les experts de l’ONU, le Rwanda a apporté un appui direct aux rebelles du M23 entre les "22, 24 et le 27 août" 2013 en envoyant des troupes sur le sol congolais pour participer aux combats. Une "opération de renforcement" bien délimitée dans le temps, explique le rapport qui s’appuie sur les témoignages des ex-combattants rebelles et des habitants de Kibumba, alors sous contrôle du M23. "Ces troupes venaient notamment de Kabuhanga, le poste frontière du Rwanda", précise le document. Qui ajoute : "Pendant les combats d’octobre, des chars rwandais ont [également] tiré en RDC pour appuyer le M23."

Certaines recrues M23 étaient des soldats démobilisés des RDF, selon le rapport.

Après sa défaite militaire début novembre, la rébellion aurait continué à recruter au Rwanda, suivant les "informations crédibles" dont le groupe d’experts dit disposer. Ce que Kigali a bien sûr toujours nié. Mais le groupe d’experts onusiens persiste et signe : "Certaines recrues du M23 étaient des soldats démobilisés des Forces de défense rwandaises (RDF)". Ces derniers auraient servi dans la rébellion congolaise en tant que formateurs et artilleurs, selon les témoignages recueillis par les experts auprès des anciens officiers et combattants du M23.

Depuis le territoire ougandais, où se sont réfugiés la plupart des rebelles – 1 445 combattants y sont entrés le 5 novembre, selon les chiffres officiels -, "le M23 a maintenu [également] un réseau de recrutement", accusent les experts.

>> Lire aussi : le M23 se régénère-t-il au Rwanda et en Ouganda ?

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Autre enseignement du rapport : après la débâcle du M23, plusieurs autres groupes armés et milices locales du Kivu ont commencé à déposer les armes, craignant d’être les prochaines cibles de l’armée congolaise appuyée par la brigade d’intervention des Nations unies. Mais trois importantes menaces à la sécurité demeurent : les rebelles rwandais des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), les insurgés ougandais ADF (Forces démocratiques alliées) et les miliciens indépendantistes Kata Katanga dans le sud du pays.

ADF, le "groupe armé le plus dangereux" ?

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Au cours de l’année 2013, les combattants ADF se sont fait remarquer par la violence de leurs actions, des enlèvements et des attaques ciblées contre des civils, des installations médicales, le personnel humanitaire et les Casques bleus, rapportent les experts, qui soulignent avoir pu "déterminer la présence d’hommes s’exprimant en arabe, venus de l’étranger pour dispenser des cours et une formation militaire" aux hommes de Jamil Mukulu. Mais il a été impossible d’établir un lien quelconque entre les ADF et les rebelles islamistes Shebab présents en Somali, et encore moins avec Al-Qaïda.

Toutefois, depuis le mois de mars, c’est Jaber Ali Nansa, dont la présence a déjà été signalée en Afghanistan et en Arabie saoudite, qui a été promu comme nouveau commandant militaire de l’ADF, en remplacement de David " Hood" Lukwago, un combattant ADF de la première heure.

Constituée de 1 200 à 1 500 hommes répartis sur 420 km2 entre Mbau et Kamango, l’ADF n’en demeure pas moins le "plus grand, la mieux organisé et le plus dangereux groupe armé" qui déstabilise le territoire de Beni, dans l’est de la RDC. Kinshasa soupçonne d’ailleurs le gropupe d’être derrière l’attaque à la roquette qui a tué, le 2 janvier, le colonel Mamadou Ndala, l’officier congolais qui s’apprêtait à diriger la riposte contre les rebelles ougandais. Même si l’hypothèse d’un règlement de comptes au sein de l’armée congolaise n’est plus exclue.

"Entre juillet et septembre, l’ADF a décapité au moins cinq personnes à Kamango, y compris le chef local, abattu plusieurs personnes et enlevé des dizaines d’autres", relèvent les experts, soulignant que "ces actions terrorisent les populations locales et les dissuadent de rentrer chez elles". On compterait aujourd’hui plus de 66 000 réfugiés en Ouganda après avoir fui les atrocités de l’ADF qui a, entre autres, kidnappé quelque 300 civils ces douze derniers mois, selon la société civile locale.

FDLR, un mouvement "affaibli" ?

A contrario, les FDLR paraissent à bout de souffle. En 2013, plusieurs événements ont bien entamé la force de nuisance du groupe rebelle rwandais, selon les experts qui citent notamment l’arrestation de Ferdinand Nsengiyumva, alias Bemba Bahizi, son chargé des opérations dans le Sud-Kivu, ainsi que la désertion et l’assassinat de certains de ses officiers. Politiquement, le mouvement est également "affaibli" après les poursuites ouvertes en Allemagne contre ses dirigeants Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni.

Les FDLR – autour de 1 500 selon les experts et environ 4 000 selon Kigali – sont éparpillés dans les territoires du Nord et Sud-Kivu. "Le moral des combattants est très bas ; ils vivent dans des conditions difficiles et portent des armes et des uniformes usagés", notent les experts. Plus que jamais vulnérables, les rebelles rwandais ont même indiqué, après la fin de la rébellion du M23, qu’ils étaient prêts à déposer les armes et à négocier avec le gouvernement rwandais. Une requête rejetée par Kigali qui s’est juré de ne jamais discuté avec un "mouvement génocidaire".

John Numbi, soutien des Kata Katanga ?

Dans la partie la plus méridionale du pays, un autre groupe armé sème la désolation : les Kata Katanga [détacher le Katanga, en swahili]. Une milice indépendantiste très active dans le "triangle de la mort", entre les territoires de Manono, Mitwaba et Pweto. À la date du 30 septembre déjà, les attaques des miliciens Kata Katanga avaient entraîné le déplacement de plus de 360 000 civils.

Qui finance ce groupe armé ? Beaucoup de rumeurs ont circulé jusqu’à présent, mais les experts croient savoir que "les miliciens Kata Katanga [reçoivent] diverses formes de soutien du général John Numbi, l’ancien chef de la police congolaise, mais aussi d’autres politiciens". Les détails sur ces "soutiens" sont repris à l’annexe 27 du rapport final, mais ils restent encore confidentiels.

>> Lire aussi : qui se cache derrière les Kata Katanga ?

Toutefois, au lendemain de l’incursion des Kata Katanga, le 23 mars, dans la ville de Lubumbashi, le nom de l’ancien numéro un de la police congolaise était déjà cité dans le rapport de la société civile locale. "Plusieurs assaillants ont avoué que leur chef était en contact avec le général John Numbi", rapportaient alors 11 ONG du Katanga, pointant également Jean-Claude Masangu, ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo, comme "l’un des pourvoyeurs" de la milice. Il en est de même d’Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga, sur lequel de forts soupçons persistent. Mais, fédéraliste convaincu, ce dernier a toujours nié toute velléité sécessionniste dans sa lutte.

En attendant d’y voir plus clair, le rapport d’experts note que la plupart des groupes armés actifs sur le territoire congolais se financent grâce à l’exploitation illégale des ressources naturelles. Un exemple parmi tant d’autres : "98 % de l’or produit en RDC en 2013 a été exporté clandestinement du pays", s’alarment les experts qui accusent, par ailleurs, l’armée loyaliste et différents groupes armés d’avoir perpétré, ces douze derniers mois, plusieurs exactions contre les civils, notamment les viols et les exécutions sommaires, dans le cadre de leur prédation des ressources naturelles du pays.

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Par Trésor Kibangula

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