Bouteflika, le « fantôme d’Alger » : la presse internationale entre moqueries et espoirs déçus
L’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle algérienne a choqué l’Algérie. À l’étranger, elle a surtout suscité des commentaires consternés et un brin moqueurs… Revue de presse.
"Un président muet", écrit Le Monde. "Bouteflika, le fantôme d’Alger", ironise le quotidien Le Parisien. Hors des frontières algériennes, la candidature du président algérien à sa propre succession n’a pas laissé indifférent. "Il est candidat à la présidentielle. Mais le sait-il vraiment ?", écrit ainsi Le Canard Enchaîné qui titre en une, dans son édition de mercredi 26 février : "En Algérie, le jeune, c’est seulement durant le ramadan".
>> Lire aussi : "De retour à la télévision, le candidat Bouteflika est toujours muet"
"Comment envisager une campagne quand un homme ne peut prononcer deux phrases ni se déplacer dans le pays ?", se questionne pour sa part Libération dans son édition du 24 février. Le quotidien de gauche cite en fin d’article un politologue, également repris dans le Canard Enchaîné : "Tout ce que l’on voit aujourd’hui en Algérie ressemble à la fin d’Eltsine en Russie. Le pouvoir à Alger s’est mis en tête de rechercher son Poutine, mais ne l’a pas trouvé. Il faut que Bouteflika-Eltsine tienne encore un peu." Quitte à frôler le ridicule, résumé en un tweet par un Algérien, cité dans le quotidien Le Monde : "Avant, on faisait voter les morts, maintenant, c’est eux qui nous demandent de voter".
"C’est rarement le peuple qui décide mais le système"
"Il semble bien que l’armée, immuable faiseur de rois, n’a pas trouvé de remplaçant, pour l’instant, à l’actuel président", renchérit Le Nouvel Observateur, qui rejoint ainsi The Guardian, décrivant les militaires comme, c’est un euphémisme, "des acteurs-clés" du futur scrutin. Le Monde cite pour sa part un cadre de la DRS, l’ex-Sécurité militaire : "En Algérie, depuis Massinissa, le premier roi numide, c’est rarement le peuple qui décide mais le système". Objectif réel, selon le quotidien de centre-droit : "la survie des clans au pouvoir et le partage de la rente".
"Rien n’est en mesure d’affecter l’accord négocié au cœur du système, qui produit, depuis l’indépendance, des présidents à la place du vote populaire", ajoute Le Figaro. "La fracture entre le président, usé par le pouvoir et la maladie, et une population jeune, ne fait que s’aggraver", explique Le Monde, décrivant une population désabusée, qui espérait, sans trop d’espoir, le changement promis en 2012 lors du discours de Sétif, où le président avait évoqué sa génération comme "arrivée à son terme".
Espoirs déçus
"Jusqu’au bout, certains ont voulu croire à une alternative", note encore le quotidien. "Pourtant, le président avait montré de la ténacité pendant sa convalescence", explique de son côté le New York Times, décryptant une candidature finalement sans grande surprise. "Il a construit sa campagne (…) en remplaçant de nombreux membres de cabinets ministériels, des cadres régionaux ou des pontes des puissants services de renseignements", rappelle le quotidien américain.
"La peur et le fatalisme figent pour l’instant le paysage", s’indigne Le Canard Enchaîné. "Mais la censure, la police (…) peuvent-ils longtemps maintenir le couvercle sur un pays tiraillé par les divisions régionales et l’islamisme, et où la moitié de la population a moins de 28 ans ?", s’interroge encore l’hebdomadaire satirique, qui conclut malicieusement : "Le printemps commence dans un mois". Aux Algériens de contredire, ou non, les anticipations du palmipède.
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Par Mathieu OLIVIER
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